Un avis spécialisé est souvent nécessaire

Les pneumonies récidivantes chez l’adulte

Publié le 05/02/2010
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Inoculum ou défaut de défense

Malgré cette fréquence élevée, la littérature médicale reste pauvre sur ce sujet. La répétition des pneumonies est dans la plupart des cas liée soit à l’exposition répétée à un important inoculum bactérien, soit à une mise en défaut de manière prolongée des défenses de l’hôte.

Cet inoculum bactérien vient dans la majorité des cas des voies aériennes supérieures favorisée par des fausses routes (séquelles accident vasculaire cérébral, de chirurgie ORL ou de radiothérapie), par un reflux gastro-œsophagien ou par un foyer infectieux sinusien ou dentaire… Les prélèvements microbiologiques au cours des pneumonies récidivantes par micro-inhalation donnent des cultures habituellement polymicrobiennes avec parfois des germes an aérobiques provenant de la flore oropharyngée. Parfois l’inoculum bactérien provient d’une dissémination hématogène à partir d’un foyer profond (endocardite, carcinome colique, syndrome de Lemierre…). Le germe dépendra alors de la porte d’entrée.

La mise en défaut de manière prolongée d’un seul des mécanismes de défense de l’hôte peut favoriser la colonisation bronchique puis la répétition de pneumonies souvent avec des germes tels que l’Hæmophilus influenzae, le staphylocoque voir le Pseudomonas aeruginosa. Des perturbations du drainage mucociliaire sont fréquemment mises en cause dans les pneumonies récidivantes et proviennent d’une obstruction bronchique locale (corps étranger, tumeur bronchique…), d’une maladie trachéobronchique (dilatation des bronches, BPCO…) ou d’une maladie du mucus (mucoviscidose). Mais un déficit de l’immunité ne doit pas être sous estimé qu’il concerne l’immunité humorale (déficit immunitaire commun variable) ou l’immunité cellulaire (infection VIH, traitement immunosuppresseur…).

Recherche de germe

L’observation des résultats des prélèvements microbiologiques réalisés au cours des pneumonies récidivantes ne décèle pas de différence majeure avec les résultats des études sur les pneumonies « isolées » : le pneumocoque reste le germe le plus souvent en cause (18 %). Une origine polymicrobienne est fréquente (10 %). Des germes comme le staphylocoque méti-r, le pyocyanique ou des germes opportunistes ont cependant une place moins négligeable que dans les pneumonies « simples ». En raison de la fréquence de ces germes pourvoyeurs de résistance et en raison de la mise en jeu d’un risque vital à chaque épisode d’infection, il semble raisonnable de s’efforcer de déterminer le germe en cause par la réalisation de multiples prélèvements microbiologiques, en particulier par la réalisation systématique d’une fibroscopie bronchique. La détermination de la bactérie permettra d’adapter l’antibiothérapie mais aussi d’orienter la recherche de la porte d’entrée ou du processus physiopathologique en cause dans la répétition des événements infectieux. Cependant, l’absence de documentation bactériologique reste aussi fréquente qu’au cours des pneumonies « isolées » (environ 50 % des cas).

Une démarche diagnostique

Bien sûr, devant l’existence de foyers alvéolaires récidivants se résolvant entre chaque épisode, il faut évoquer d’autres diagnostics qu’une origine infectieuse telle qu’une pneumopathie organisée (anciennement appelée « BOOP »), une pneumopathie chronique à éosinophile, une pneumopathie médicamenteuse et/ou d’hypersensibilité, des infarctus pulmonaires récidivants ou une aspergillose bronchopulmonaire allergique.

En pratique, devant des foyers alvéolaires récidivants, la demande d’avis auprès d’un pneumologue est la première étape indispensable pour déterminer l’origine infectieuse et les mécanismes physiopathologiques impliqués. Dans cette démarche diagnostique, le scanner thoracique, les explorations fonctionnelles respiratoires et la fibroscopie bronchique avec prélèvements microbiologiques seront réalisés selon l’interrogatoire. Dans ce contexte d’infection complexe, une coopération multidisciplinaire est parfois nécessaire et impliquera un avis auprès de l’immunologiste, de l’ORL ou d’un autre spécialiste.

Traitement

La démarche thérapeutique comporte en premier lieu, le traitement de l’épisode infectieux. Il n’y a pas de recommandations pour l’antibiothérapie probabiliste des pneumonies récidivantes. Au vu des germes habituellement présents, il semble raisonnable de suivre les recommandations de l’AFSSAPS sur « l’antibiothérapie par voie générale dans les infections respiratoires basses de l’adulte et de l’enfant » (www.afssaps.fr/Afssaps-media/Publications/Recommandations-de-bonne-prat…) puis d’adapter à l’antibiogramme du germe impliqué. La prévention des récidives doit passer par le sevrage du tabac, les vaccinations antigrippale et antipneumococcique, le traitement de la bronchorrhée par la kinésithérapie bronchique et bien sûr le traitement du mécanisme physiopathologique à l’origine de la répétition des épisodes infectieux (ablation du corps étranger, perfusion d’immunoglobuline, gastrostomie d’alimentation…).

 Dr SYLVAIN MARCHAND-ADAM MCU-PH, service de pneumologie, CHRU Tours

Source : Le Quotidien du Médecin: 8702