Isolement et contention : les psychiatres veulent être associés à la réécriture des modalités d'encadrement, après la censure du Conseil constitutionnel

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Publié le 10/06/2021
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Crédit photo : S.Toubon

« Prévisible », commentent quatre syndicats de psychiatres, à la suite de la nouvelle censure formulée le 4 juin dernier par le Conseil constitutionnel à l'encontre des modalités d'encadrement de l'isolement et de la contention. Ces dernières, inscrites dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale du 14 décembre 2020, venaient tout juste d'être précisées dans un décret du 2 mai... à l'issue d'un travail de réécriture entamé après une précédente censure du Conseil constitutionnel. 

À chaque fois, c'est le respect de l'article 66 de la Constitution − qui exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire − qui est en cause. La première fois, à l'été 2020, la haute juridiction estimait que le dispositif établi en 2016 ne fixait pas de durée limite aux pratiques d'isolement et de contention, ni ne prévoyait de contrôle du juge judiciaire. Cette fois, le Conseil constitutionnel considère qu'informer le Juge des libertés et de la détention, comme doit le faire le médecin, sans délai, ne vaut pas contrôle systématique de la part de l'autorité judiciaire, et n'est donc pas suffisant. 

Impéritie du législateur 

Cette nouvelle décision du Conseil constitutionnel « illustre l’impéritie de ceux qui ont élaboré ce texte et qui ont persisté dans sa formulation malgré les mises en garde sur sa fragilité juridique. Ce texte a été élaboré sans véritable concertation avec les professionnels de terrain notamment les psychiatres hospitaliers et les juges des libertés et de la détention », écrivent dans un communiqué commun le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (IDEPP), l'Union syndicale de la psychiatre (USP) et le Syndicat des psychiatres d'exercice publique (SPEP). 

Les quatre syndicats demandent donc que la préparation du nouveau texte − d'ici à la fin de l'année, selon le délai accordé par le Conseil constitutionnel − « se déroule avec l’expertise des professionnels concernés et dans l’arbitrage nécessaire entre protection légitime des libertés sous le contrôle du juge et réalité de la pratique clinique psychiatrique ». Selon un questionnaire adressé par le SPH aux psychiatres hospitaliers, « de nombreux établissements ont signalé leur impossibilité d’appliquer ce texte dans son intégralité en raison de sa complexité et de l’absence de moyens supplémentaires ».

Pour une loi globale

Les psychiatres réitèrent en outre leur plaidoyer en faveur d'une loi globale sur la psychiatrie, de mesures concrètes pour améliorer l’attractivité des carrières hospitalières et de moyens humains et financiers supplémentaires pour les soins psychiatriques. En l'occurrence, la mise en œuvre du nouveau cadre de l'isolement et de la contention devait être accompagnée d'une enveloppe nationale de 15 millions d'euros que tous les acteurs jugent, depuis le début, bien insuffisante.

De son côté, le Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie (CRPA), à l'origine des questions prioritaires de constitutionnalité soumises au Conseil constitutionnel, salue le rôle de « garde-fou » de ce dernier, mais se dit « réservé sur la volonté du gouvernement comme d’ailleurs des professionnels du terrain, d’opérer une réforme en profondeur », dans un contexte toujours plus sécuritaire.  


Source : lequotidiendumedecin.fr