Avec le vieillissement

Mieux appréhender la composante cognitive et thymique

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Publié le 02/12/2019
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De diagnostic délicat, les troubles affectifs ou cognitifs des personnes âgées peuvent représenter une perspective pronostique et thérapeutique importante.

Dans les pathologies psychiatriques vieillissantes, le diagnostic différentiel des troubles cognitifs n'est pas toujours aisé. « Les troubles thymiques, notamment maniaques, sont très difficiles à différencier en clinique davec la démence frontale chez ces patients âgés. On essaie alors de s’appuyer sur des outils de type IRM, Pet-scan ou des bilans neuropsychologiques. Même avec ces outils, le diagnostic différentiel reste difficile à établir », souligne le Dr Gabriel Robert, maître de conférences et psychiatre au CH Regnier de Rennes, qui présidera un symposium sur les perspectives diagnostiques, pronostiques et thérapeutiques dans le domaine des troubles cognitifs et thymiques de la personne âgée.

Au niveau de la recherche, deux études seront présentées, l’une allemande, l’autre finlandaise, démontrant l’intérêt d’utiliser des neurofilaments, qui constituent un marqueur de la destruction neuronale. « L’objectif est de faire la distinction entre une pathologie psychiatrique et une démence. Dans le premier cas, il n’y a pas de destruction neuronale alors qu’il y en a une dans les démences, indique le Dr Robert, en soulignant la facilité d’utilisation de cette technique. Elle peut être faite à partir d’une simple prise de sang. Cela évite de faire de nombreuses ponctions lombaires. »

Une question de motivation

L’évaluation de la cognition incarnée a-t-elle un intérêt dans les troubles de l’humeur du sujet âgé ? « Il s’agit d’un concept très à la mode dans les sciences cognitives, et devenu un peu fourre-tout, indique le Dr Robert, en ajoutant que son principe de base est simple. L’idée est que le cerveau ne serait pas le seul système ou organe qui permettrait d’aboutir à une action, comme le fait de bouger dans tel ou tel sens. Laction résulterait d’interactions entre le cerveau et tout ce qui est perceptif – sensorimoteur ou relié à la motivation. Par exemple, on n’aura pas la même efficacité cognitive si on est allongé sur son lit plutôt qu’assis à une table, détaille le Dr Robert. On abordera plusieurs questions au cours du symposium, notamment celle de savoir si l’affaiblissement des systèmes sensoriels des patients âgés, ou leur baisse de motivation, peuvent contribuer à leurs troubles cognitifs. Autre question en corollaire : la perte d’intérêt ou de motivation observée lors d’une dépression d’un sujet âgé, peut-elle avoir une influence sur les troubles cognitifs ? »

Plus forte impulsivité

Autre paramètre, le contrôle cognitif. « C’est une sorte de grande boîte qui définit les façons de s’adapter à notre environnement et de retenir des actions automatiques, explique le Dr Robert. Dans notre établissement, nous avons mis en place une étude sur le contrôle cognitif chez les personnes âgées déprimées, dont les résultats seront présentés lors de cette séance. » L'étude a utilisé la tâche de Simon. « Le principe est simple. Vous êtes en face d’un écran avec des ronds bleus et des ronds jaunes qui apparaissent de chaque côté. Et vous avez aussi de chaque côté un bouton bleu et un bouton jaune. Quand le rond bleu apparaît du côté du bouton bleu, le fait d’appuyer sur le bouton est facile et automatique. Mais quand il apparaît du côté du bouton jaune, il faut bloquer la réponse automatique et appuyer sur le bouton bleu de l’autre côté, explique le Dr Robert. Chez les personnes âgées déprimées, on constate une plus forte impulsivité et une difficulté à bloquer les réponses automatiques. »

Entretien avec le Dr Gabriel Robert (Rennes)

Antoine Dalat

Source : Le Quotidien du médecin