Psychiatrie et soins sans consentement : après le choc de la pandémie, un objectif de réduction toujours d'actualité

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Publié le 11/07/2022
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Crédit photo : S.Toubon

Quel a été l'impact de la pandémie sur les soins sans consentement en psychiatrie ? L'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) montre que la crise du Covid a pénalisé l'objectif de réduction inscrit dans la feuille de route « Santé mentale et psychiatrie » de 2018. Les choses tendent à se rééquilibrer par rapport à l'avant-Covid pour les mesures d'isolement, mais insuffisamment, révèle une étude de l'Institut publiée dans « Questions d'économie de la santé ».

Pour les deux autrices principales Magali Coldefy et Coralie Gandré, l'objectif de réduction pourtant écrit dans la loi du 5 juillet 2011 reste d'actualité. Ainsi, malgré une volonté publique et sa réaffirmation dans la feuille de route de 2018, la pratique des soins sans consentement connaît « une hausse sensible (...) entre 2012 et 2021 : +14 % de personnes suivies au moins une fois sans leur consentement contre +9 % pour celles suivies exclusivement librement en psychiatrie », soulignent-elles dans un entretien publié sur le site de l'Irdes.

Une augmentation en valeur relative

Certes, un infléchissement est constaté depuis 2015, mais pour ce qui est de la période Covid, l'analyse des chiffres est prudente. Si le recours apparaît en légère diminution en 2020 et 2021, il est nécessaire de tenir compte « de la pandémie de Covid-19 qui a fortement impacté l'activité des établissements de santé, avec une réduction qui a atteint 8 % pour le nombre de personnes hospitalisées à temps plein et seulement 1 % pour celles hospitalisées sans leur consentement », rapportent-elles.

D'ailleurs, les mesures d'isolement ont connu un fort accroissement en 2020. Ces pratiques tendent à diminuer en 2021, mais leur ampleur « reste cependant plus élevée qu’avant la crise sanitaire ». Pour le recours à la contention mécanique, environ 10 000 personnes auraient été concernées en 2021, « soit plus d’une personne hospitalisée sans son consentement sur dix », lit-on.

« Le péril imminent », une mesure mobilisée hors cadre initial

Pour expliquer la tendance de fond, les autrices suggèrent que les soins en cas de péril imminent pourraient être mobilisés en dehors de leur objectif initial, cette mesure d'exception étant destinée à protéger des personnes isolées pour lesquelles aucune demande n'est émise par un tiers.

Cela peut être le cas par exemple « lorsque les proches préfèrent ne pas être impliqués dans une demande de soins sans consentement », une diminution des soins sans consentement sur demande d'un tiers étant observée en parallèle. Ou encore dans des contextes d'urgence « où les équipes soignantes connaissent moins les personnes prises en charge et n'ont pas toujours les ressources pour rechercher les tiers à contacter avant d'admettre la personne en hospitalisation », avancent les deux chercheuses.

Pour les autrices, il est important de voir que la tendance à la hausse des soins sans consentement, notamment aux mesures d'isolement, est durable. Certes, la mise à disposition de ces données à l'échelle nationale demeure récente et la prudence est de mise dans leur interprétation, faute de pouvoir s'assurer de leur exhaustivité. Mais ces premiers résultats doivent inciter « à soutenir une modification des pratiques », les mêmes autrices ayant émis toute une liste de conseils et de recommandations en 2021 afin de réduire la privation de liberté en psychiatrie.


Source : lequotidiendumedecin.fr