Psychiatrie

Stress post-traumatique, la piste de la kétamine

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Publié le 29/01/2021
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La kétamine en injections intraveineuses répétées semble présenter un intérêt dans le stress post-traumatique
Un effet positif dès 24 heures qui persiste 27 jours après les injections

Un effet positif dès 24 heures qui persiste 27 jours après les injections
Crédit photo : Phanie

Des injections répétées de kétamine en intraveineuse pourraient réduire significativement la sévérité des symptômes chez des patients souffrant de troubles du stress post-traumatique (TSPT), met en lumière une petite étude randomisée et contrôlée, publiée dans « The American Journal of Psychiatry ».

Trente patients souffrant de TSPT chroniques et sévères (durée médiane de 14,9 ans) à la suite de traumatismes civils ou militaires (agression sexuelle ou physique, exposition à la mort, à des combats, survivants des attaques du 11 septembre) ont été inclus dans ce travail mené par les chercheurs de l'école de médecine Icahn du Mont Sinaï. Près de la moitié avait recours à des traitements psychotropes. 

Pendant deux semaines consécutives, 15 patients ont reçu six injections de kétamine (0,5 mg/kg), psychotrope utilisé comme anesthésique, mais aussi dans le traitement de la dépression résistante (un spray nasal est disponible à l'hôpital depuis octobre 2020). La kétamine agit comme inhibiteur du glutamate des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA). Les quinze autres patients ont reçu six injections de midazolam (0,045 mg/kg) [contrôle] .

Les participants ont été évalués à l'inclusion, une semaine et deux semaines après, à l'aide de deux échelles : la Clinician Administered PTSD Scale for DSM-5 (CAPS-5) et la Montgomery-Asberg Depression Rating Scale (MADRS). 

Amélioration dans 70 % des cas 

Deux semaines après l'inclusion, le groupe sous kétamine affiche de meilleurs scores que le groupe contrôle. Ainsi, 67 % des participants recevant de la kétamine connaissent une réduction des symptômes de 30 % au moins, versus  20 % dans le groupe midazolam. Les injections de kétamine étaient aussi associées à une amélioration de trois critères du TSPT : symtômes d'intrusion, altérations cognitives et de l'humeur et conduites d'évitement.  Les auteurs ont aussi observé une plus grande réduction des symptômes dépressifs associés au TSPT chez les participants sous kétamine. 

Parmi les 67 % de répondeurs à la kétamine, ses effets se sont fait ressentir dans les 24 heures suivant la première injection et duraient en moyenne 27,5 jours, après la période des deux semaines d'injections. La tolérance était bonne. 

« C'est une étude intéressante, qui apporte de nouvelles données sur la prise répétée de kétamine dans les TSPT chroniques et sévères, pour lesquels on n'a pas de traitements médicamenteux qui soulagent tout le monde », commente pour le « Quotidien » le Pr Thierry Baubet, référent scientifique du Centre national de ressources et de résilience (CN2R). Et d'appeler à conduire de nouvelles études sur la kétamine, plus longues, plus vastes et avec moins de critères d'exclusion. 

« Les psychothérapies (cognitivocomportementales centrées sur le trauma ou EMDR) restent le traitement de référence des TSPT. Mais elles ne sont pas toujours accessibles ou les symptômes peuvent être très invalidants », précise le Pr Baubet. En termes de traitements médicamenteux, arrivent en première intention les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) « efficaces chez la moitié voire les deux tiers des patients, mais de façon parfois incomplète ou avec des rechutes à l'arrêt », indique le psychiatre. D'autres thérapies sont à l'étude, comme le propranolol ou, à un stade encore plus expérimental, la MDMA, la molécule de l'ecstasy. « On est encore aux balbutiements dans les traitements pharmacologiques, d'autant qu'aucun essai clinique ne distingue jusqu'à présent les différents types de TSPT », conclut-il.

A. Feder et al, AJP, 2021. doi.org/10.1176/appi.ajp.2020.20050596

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin