A l’heure de la pandémie

Goutte : inciter à la vaccination contre le Covid-19

Publié le 08/04/2022
En 2021, l’infection par le Sars-CoV-2 a eu autant d’impact qu’en 2020, et les données s’accumulent concernant ses retentissements sur les maladies rhumatologiques. Qu’en est-il chez les patients goutteux ?
Le risque d’infection par le Sars-coV-2 est significatif chez les patients goutteux non vaccinés

Le risque d’infection par le Sars-coV-2 est significatif chez les patients goutteux non vaccinés
Crédit photo : phanie

Les patients goutteux ont des comorbidités importantes (maladie rénale chronique [MRC], diabètes, maladies cardiovasculaires, obésité), associées à des formes sévères de Covid-19. Ils ont théoriquement un risque plus élevé d’infection grave à Sars-CoV-2, mais de façon étonnante les sociétés savantes de rhumatologie, américaine (ACR) et européenne (EULAR), ne pas l’avaient mentionné.

Un surrique chez les non vaccinés

Une étude effectuée sur la base de données prospectives britanniques (UK Biobank), incluant 459 837 participants, a confirmé cette crainte (1). Les auteurs ont comparé le risque d’hospitalisation, de ventilation mécanique et de mortalité entre les patients goutteux (n = 15 871) et les sujets sans goutte. Les patients goutteux ont un risque augmenté de 20 % (RR : 1,20, IC 95 % 1,11-1,29) d’être infectés par le Sars-CoV-2. Ce risque était plus élevé chez les femmes (RR : 1,44) que les hommes (RR : 1,12). Après ajustement selon la vaccination contre le Sars-CoV-2, le risque d’infection était seulement significatif chez les patients goutteux non vaccinés (RR : 1,21, IC 95 % 1,11-1,30). En analyse univariée, la goutte était associée à un surrisque de mortalité (RR : 2,97, IC 95 % 2,45-3,62) lié au Covid-19, qui disparaissait chez les hommes après ajustement sur l’âge, l’indice de masse corporelle, la consommation du tabac et les comorbidités cardiovasculaires.

En revanche, ce risque restait plus élevé chez les femmes souffrant de goutte, comparé à celles sans goutte (RR : 1,65, IC 95 % 1,04-2,64), ce qui peut apparaître paradoxal par rapport aux données en population générale. En effet, dans la plupart des études, le risque de mortalité lié au Covid-19 est plus élevé chez les hommes. Dans cette population de la UK Biobank, les femmes avec une goutte étaient plus âgées et avaient plus de comorbidités que les hommes (MRC : 25,1 % versus 13,6 %, diabète : 26,6 % versus 17,9 %, hypertension artérielle : 70,8 % versus 58,1 %). Cependant, ce surrisque de mortalité persistait même après ajustement pour ces maladies, suggérant l’existence d’autres facteurs non identifiés dans cette étude. Ce risque n’était pas modifié par la prise, ou non, de colchicine ou d’un traitement hypo-uricémiant. En revanche, seul un patient goutteux vacciné était décédé sur 136 décès recensés. Dans la cohorte, la proportion de patients goutteux vaccinés (47,1 %) était identique à celle de sujets non goutteux (47,5 %).

Les limites de cette étude sont les erreurs sur les causes de décès (attribués par excès au Covid-19 dès qu’un patient avait un test PCR positif), ainsi que l’absence de données sur la sévérité de la goutte, l’uricémie et la prise réelle de colchicine. Cependant, ces résultats montrent l’importance de rappeler aux patients goutteux de se vacciner contre le Sars-CoV-2.

Un effet protecteur de la colchicine ?

Dans cette étude, la prise de colchicine ne semblait pas diminuer le risque de décès lié à l’infection virale, contrairement aux résultats de l’essai COLCORONA (2). Il s'agit d'une étude randomisée multicentrique, en double aveugle contre placebo, incluant 4 488 patients avec une forme ambulatoire de Covid-19 : 2 235 traités par colchicine pendant 30 jours et 2 253 par un placebo. Le critère principal de jugement était un indice composite, associant le taux de décès et d’hospitalisations dans les 30 jours suivant la randomisation. Selon l’hypothèse des auteurs, la colchicine pourrait diminuer la réaction inflammatoire liée à l’infection virale et ainsi les lésions induites par l’orage cytokinique. En effet, elle inhibe la migration des neutrophiles et diminue l’infiltrat inflammatoire, ainsi que la production de l’interleukine-1, qui semble jouer un rôle important dans l’infection Sars-CoV-2 (3).

Dans l’étude COLCORONA, selon l’analyse effectuée sur l’ensemble des participants (incluant les 329 patients diagnostiqués Covid-19 uniquement d’après les critères cliniques), la colchicine ne diminuait pas le risque de décès ou d’hospitalisation. En revanche, dans l’analyse réalisée uniquement chez les patients ayant un test PCR Covid-19 positif, elle réduisait de 25 % le risque de décès ou d’hospitalisation par rapport au placebo (RR : 0,75, IC 95 % 0,57-0,99). L’effet protecteur de la colchicine semblait plus important chez les hommes et les diabétiques, mais non significativement. Les patients sous colchicine avaient plus de diarrhées ou de troubles digestifs que ceux sous placebo (13,7 % versus 7,3 %).

Ces résultats suggèrent donc un effet protecteur de la colchicine chez des patients ambulatoires, mais nécessitent d’être confirmés. En effet, dans l’étude RECOVERY, l’adjonction de colchicine (pendant 10 jours) chez des patients hospitalisés ne diminuait ni la durée d’hospitalisation, ni le risque de décès et d’intubation, par rapport à un traitement classique (4). Ces deux études ne sont pas comparables concernant la sévérité de l’état des patients, le schéma de la colchicine et les traitements associés. Dans l’essai RECOVERY, 93 % des patients étaient traités par des corticoïdes, 66 % avaient reçu du plasma de sujets convalescents et 13 % du baricitinb. Ces différents traitements ont pu masquer l’effet de la colchicine. Alternativement, la colchicine ne serait efficace que dans les formes moins graves de l’infection virale. Son effet bénéfique potentiel nécessite donc d’être confirmé par d’autres études.

Hôpital Lariboisière, Paris
(1) Topless RK et al. Lancet Rheumatol 2022 Jan 28
(2) Tardif JC et al. The Lancet Respiratory Medicine 2021;9:924-32
(3) Reyes AZ et al. Annals of the Rheumatic Diseases 2021;80:550–7
(4) RECOVERY Collaborative Group.Lancet Respir Med. 2021 Dec;9(12):1419-1426

Hang Korng Ea

Source : lequotidiendumedecin.fr