Les multiples enseignements des registres

Une photographie des pratiques

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Publié le 21/04/2020

Depuis 15 ans, la Société française de rhumatologie (SFR) promeut des registres, en particulier dans la polyarthrite rhumatoïde, mais aussi dans les autres maladies auto-immunes. Une source précieuse d’informations dans la vraie vie et sur des cohortes plus larges que celles des essais cliniques.

Les registres ont renseigné sur les complications extra-articulaires de la PR, comme les nodules rhumatoïdes

Les registres ont renseigné sur les complications extra-articulaires de la PR, comme les nodules rhumatoïdes
Crédit photo : Phanie

C’est en 2005 que fut mis en place, sous l’égide de la SFR, un premier registre prospectif (AIR-PR) dans le but d’évaluer, en pratique courante, l’efficacité et la tolérance du rituximab dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) et les maladies auto-immunes (AIR). Ces registres ont colligé les données de près de 2 500 patients suivis pendant sept ans. Puis en 2008, un registre sur le même modèle a été initié avec un autre traitement ciblé, l’abatacept. D’autres registres ont ensuite suivi lors de l’apparition de chaque nouveau traitement ciblé, comme ce fut le cas en 2019 avec le registre MAJIK sur les inhibiteurs de la voie JAK. « Depuis 2017, et le registre ART qui concerne les anti-TNF et leurs biosimilaires, les patients participent activement à la collecte des données sur la qualité de vie, via une application », précise le Pr Jacques-Éric Gottenberg, chef du service de rhumatologie au CHU de Strasbourg.

Début 2020, c’est un nouveau registre qui démarre (registre TATA) avec le soutien des sociétés savantes de rhumatologie et de médecine Interne. Il n’est ni mono-maladie, ni mono-médicament, mais concerne les patients ayant une maladie auto-immune systémique réfractaire (lupus systémique, syndrome de Gougerot-Sjögren, sclérodermie systémique, myopathie inflammatoire) chez lesquels est instauré un traitement ciblé (anti-IL6, anti-IL12/23, anti-IL-17, inhibiteurs de JAK/STAT) qui n’a pas d’autorisation de mise sur le marché dans ces pathologies.

Un recueil des données amélioré

Au total, tous ces registres ont permis d’avoir une photographie des pratiques en France. « On s’est ainsi aperçu que le score DAS 28, pourtant le critère d’évaluation de référence au cours de la PR, n’était pas toujours rapporté dans les dossiers au début de l’époque des registres, indique le Pr Jacques-Éric Gottenberg. Nous avons donc remotivé les praticiens afin de réduire le nombre de données manquantes et d’avoir un suivi plus homogène ».

À côté de cet impact sur l’amélioration des pratiques, tous ces registres ont confirmé le profil de tolérance de ces nouveaux traitements, dans des cohortes plus larges que celles des essais cliniques et avec des patients ayant de nombreuses pathologies associées (diabète, bronchite chronique obstructive, antécédent d’infection sévère, antécédent de cancer…). Aucun nouveau signal concernant la sécurité de ces traitements n’a été mis en évidence.

Les registres ont également été une source de renseignements sur les complications extra-articulaires de la PR, tels que les nodules rhumatoïdes ou les vascularites, qui ne sont pas explorées dans les études cliniques mais qui peuvent tirer des bénéfices de ces traitements. De même, ils ont apporté de précieuses informations sur les complications sévères des maladies auto-immunes non PR, notamment le lupus et le syndrome de Gougerot-Sjögren, pour lesquelles certains essais cliniques s’étaient avérés négatifs. Enfin, ces registres ont pu mieux évaluer la manière de gérer en pratique courante l’arrêt des biothérapies en période péri-opératoire pour limiter les complications infectieuses et les retards de cicatrisation.

Facteurs de risque d’infection ou de réponse

« Les essais cliniques en face-à-face dans la PR font défaut. Aussi, en 2019, à partir des données des registres AIR, ORA et REGATE qui avaient suivi un total de plus de 3 000 patients, respectivement sous rituximab, abatacept ou tocilizumab, nous avons mimé, avec les Prs Mariette, Morel et Ravaud, grâce à divers ajustements statistiques, un essai clinique comparant ces trois traitements ciblés », rapporte le Pr Gottenberg (1). En prenant comme critère le maintien à deux ans du traitement initial, ce travail a permis de montrer que le maintien thérapeutique à deux ans de l’abatacept était inférieur à celui du rituximab et du tocilizumab, des résultats confirmés par la publication d’une analyse équivalente réalisée à partir du registre suédois.

Les registres ont aussi montré l’épargne cortisonique autorisée par tous ces traitements et précisé certains facteurs prédictifs de risque infectieux ou de réponse, utiles en pratique courante. Par exemple, il a été montré qu’en cas d’hypogammaglobulinémie, le rituximab augmente le risque d’infections sévères. De même, la présence de certains auto-anticorps (facteurs rhumatoïdes, anticorps anti-peptides citrullinés) est associée à une meilleure réponse à certains traitements de la PR, ce qui peut aider à guider le choix thérapeutique.

Enfin, les registres européens se sont unis dans le but d’obtenir des informations sur certaines complications rares. Cette approche a en particulier permis de montrer que le recours aux anti-TNF n’augmente pas le risque de mélanome.    

D’après un entretien avec le Pr Jacques-Éric Gottenberg,  
(1) Gottenberg JE et al. BMJ 2019;364:l67

Dr Isabelle Hoppenot

Source : lequotidiendumedecin.fr