Rétention aiguë d’urine : une filiarisation essentielle

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Publié le 23/09/2022
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La prise en charge des urgences en urologie évolue. C’est notamment le cas pour la rétention aiguë d’urine (RAU), seconde urgence urologique après la colique néphrétique. Avec le développement des techniques, la sonde à demeure et l’optimisation du sevrage de sonde, c’est une véritable « filière RAU » qui peut être mise en place dans le but de fluidifier la prise en charge des patients.
Plus de 60 000 passages aux urgences en 2019, avec un diagnostic principal de rétention aiguë d'urine

Plus de 60 000 passages aux urgences en 2019, avec un diagnostic principal de rétention aiguë d'urine
Crédit photo : Phanie

En 2021, l’Association Française d’Urologie (AFU) a mené une étude rétrospective sur l’épidémiologie des urgences urologiques en collaboration avec Santé publique France, en exploitant les données du réseau SurSaUD. D’après cette analyse réalisée entre 2014 et 2019, la RAU consomme un temps médical considérable. Ainsi, pour la seule année 2019, 62 779 passages aux urgences ont été enregistrés pour diagnostic principal de RAU, avec une durée moyenne de plus de quatre heures et un taux d’hospitalisation de 30 %. Les patients étaient principalement des hommes (87 %) avec un âge moyen de 72 ans. « Alors que la prévalence de la RAU a tendance à augmenter, à l’inverse le taux d’hospitalisation diminue, passant de 42 % en 2014 à 32 % en 2019. Ainsi, près de 70 % des patients sont orientés vers une prise en charge ambulatoire », souligne le Pr Romain Boissier (service d’urologie du CHU de Marseille), coauteur avec le Pr Jean-Alexandre Long et le Dr Pierre-Henri Savoie du rapport 2021 de l’AFU sur les urgences en urologie (1).

Un premier désondage dans les trois jours

Pour les patients, de plus en plus nombreux, à rentrer à domicile avec un drainage vésical en place (le plus souvent une sonde vésicale), la filiarisation de la prise en charge est essentielle. Cela permet d’éviter les perdus de vue, l’errance médicale et le maintien prolongé de la sonde vésicale. « Trois jours de drainage vésical suffisent pour envisager un premier test de sevrage de sonde, précise le Pr Boissier. La principale mesure en faveur du succès du désondage est la mise en place d’un traitement par alphabloquant ». En effet, celui-ci augmente de 47 % à 77 % les chances de sevrage de la sonde urinaire. De plus, l’instillation de sérum physiologique chaud dans la vessie (300 ml) réduit le délai de décision pour un re-sondage, d’où un temps de surveillance médicale moindre avant reprise mictionnelle (2).

« La RAU est l’exemple typique d’une urgence médicale qui nécessite une filiarisation, car la problématique n’est pas tant la prise en charge en urgence mais plutôt l’organisation du désondage et la gestion de son éventuel échec », ajoute l’urologue. D’après l’expérience rapportée par le CHU de Toulouse, la formalisation d’une filière RAU dès la sortie des urgences (prescription d’un alphabloquant, matériel de drainage, fiche d’information, planification d’une épreuve du désondage en hôpital de jour) a raccourci la durée de sondage vésical de 22 à 16 jours (3).

L’autre solution, les autosondages

Les autosondages propres intermittents (ASPI) sortent du cadre exclusif de la neuro-urologie et deviennent une autre option face à la sonde urinaire prolongée, avec une adhésion des patients à plus de 80 %. La fréquence des sondages est à privilégier (cinq à six sondages de 400 ml maximum par 24 heures), plutôt que leur stérilité stricte (lavage des mains, désinfection du méat). Pour les patients qui ne peuvent faire les ASPI (mauvaise dextérité ou vision, défaut de connaissance de l’anatomie urogénitale, problèmes cognitifs), le stent prostatique temporaire EXIME est une possibilité (stent Ch 20 en silicone, à la technique de pose simplifiée sans guidage échographique, radiologique ou endoscopique). « Dans l’étude princeps, 92 % des 84 patients inclus étaient continents à un mois, sans retrait prématuré du stent, ajoute le Pr Boissier. Cette solution prometteuse nécessite encore des évaluations ».

Enfin, l’avantage de la chirurgie de désobstruction différée, plutôt qu’immédiate, chez un patient sevré du drainage permanent est désormais démontré en termes de morbimortalité périopératoire. Les nouvelles thérapies chirurgicales mini-invasives (Rezum, Urolift, embolisation des artères prostatiques, dispositif i-TinD) sont des options de plus en plus pertinentes, en particulier pour les patients fragiles.

(1) Progrès en urologie 2021(31):945-55
(2) Makary J et al. Bladder infusion versus standard catheter removal for trial of void: a systematic review and meta-analysis. World J Urol. 2021 Jun;39(6):1781-8.
(3) Gas J et al. Evaluation of the impact of a clinical pathway on the progression of acute urinary retention. Neurourol Urodyn. 2019 Jan;38(1):387-92.

Hélène Joubert

Source : Le Quotidien du médecin