Emmanuel Macron, avec un optimisme d'ailleurs sincère sinon logique, a substitué l'expression de « maison commune » à celle de parti. Il n'aime pas les partis politiques, il croit davantage aux « mouvements », ces rassemblements de convictions bigarrées autour d'un homme qui en serait le dénominateur commun. Ça tombe bien : la REM peut bien fondre comme neige au soleil, on verra qui le peuple choisira au moment de la grande explication entre les Français et le président sortant. Pour les élus de la REM, cette attitude confirme seulement qu'il ne partage pas nécessairement les passions qui les enflamment.
Sa vision est pourtant limpide pour ceux des élus de la REM qui venaient de la gauche et ont cru à la synthèse présidentielle du « en même temps ». M. Macron a compris qu'il existe une majorité de droite dans ce pays et c'est dans ce secteur qu'il va chercher ses suffrages, sans nier pour autant que ce qui vaut pour le Rassemblement national vaut peut-être pour le macronisme : les électeurs préfèreront toujours l'original à la copie, expression qui a ruiné les chances de Nicolas Sarkozy en 2012.
D'une certaine manière, le chef de l'État a fait de sa déroute apparente le socle de sa stratégie : la maison commune accueillera les réformistes du pays qui continuent à exiger avec ardeur les modalités du changement. Mais un président sortant est toujours comptable de son bilan : non seulement celui de M. Macron, après des réformes conspuées, les gilets jaunes, le Covid, n'est pas perçu comme bon même si l'action d'Édouard Philipe, puis de Jean Castex méritent un peu plus que des quolibets, mais il va s'aggraver avec la dette et le chômage. Pourquoi les Français lui feraient-ils confiance en 2022 après tous les déboires qu'il a essuyés ?
Le président compte beaucoup sur les divisions de l'opposition, sur les excès des Verts, sur le refus de s'unir des partis de gauche, sur les hésitations de la droite, dépourvue d'un « candidat naturel ». Ce qui prouve au moins que, cette fois, il se repose moins sur son talent que sur les circonstances. Il ne s'est pas fait aimer mais personne, dans la totalité de la gamme des partis, n'a émergé comme son successeur évident. Ni le PS ni la France insoumise, ni même les Verts ne disposent d'un candidat capable d'emporter la majorité absolue au second tour. L'espoir a porté Macron au pouvoir en 2017, il n'y restera que grâce à la résignation du peuple.
Un orage parfait
S'il y reste. L'obstacle le plus dangereux à ses ambitions est la persistance de la pandémie et l'incompréhension des Français pour les mesures disciplinaires destinées à juguler la contamination. Nous sommes dans un « orage parfait », une sorte de tour de Babel où les gouvernés parlent un autre langage que celui de leurs dirigeants. Cela ne produit aucun résultat, sinon que, la contagion progressant, le pays acquerra une immunité étendue. Aucun des facteurs susceptibles d'expliquer la réélection de Macron n'est positif : ce sont les divisions de la droite et de la gauche, l'art des écologistes pour ne jamais arriver au pouvoir, la pantomime de l'extrême gauche pour rejeter le rassemblement de la gauche, et la situation finalement précaire de la droite dont les électeurs se demandent en permanence pourquoi elle accable un exécutif qui a mis en place les réformes préconisées par LR. Et pourquoi elle poursuit le président de ses vitupérations alors qu'Édouard Philippe est devenu l'homme le plus populaire de France quand il a quitté Matignon.