Alcoologie, le baclofène confirme sa place thérapeutique

Publié le 17/03/2017
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Très attendus, les résultats définitifs des études Bacloville et Alpadir ont été présentés aujourd’hui à l'occasion d’une plénière des journées annuelles de la Société Française d'Alcoologie organisées à Paris. Après plusieurs années de controverse et de débat, le baclofène, initialement connu et utilisé pour ses propriétés myorelaxantes – s’affirme désormais comme un outil thérapeutique crédible pour la réduction des consommations d’alcool. Avec ces nouvelles données, « nous passons de l’ère passionnelle à l’ère rationnelle » s’est félicité le Pr Régis Bordet (Lille) en introduisant la session.

Une réduction de la consommation chez plus d’un patient sur deux

Réalisée en ambulatoire, l’étude Bacloville visait à comparer versus placebo, l'efficacité et la sûreté du baclofène à fortes doses (jusqu’à 300 mg/j) chez des patients ayant une consommation d'alcool à haut risque. Elle a inclus de juin 2012 à juin 2013, 320 patients âgés de 18 à 65 ans consultant pour leur problème d’alcool, suivis par des médecins généralistes. Il s'agissait de malades "tout venant, comme en vie réelle, parmi lesquels des dépressifs, des usagers de drogues ou des patients atteints de cirrhose", souligne le Pr Philippe Jaury (Paris), coordonnateur de cet essai. L’objectif principal n’était pas l’abstinence mais la réduction de la consommation en dessous des seuils « à risque » définis par l’OMS (20 g d’alcool/j pour les femmes et 40 g/j pour les hommes).

Après 12 mois de traitement, plus de la moitié des patients traités avaient réussi à atteindre cet objectif contre environ un tiers dans le groupe placebo, selon les résultats préliminaires présentés en septembre dernier lors du congrès mondial d’alcoologie.

Les résultats consolidés dévoilés cet après-midi par le Pr Philippe Jaury confirment cette efficacité avec 56,8 % des patients atteignant l’objectif principal à 12 mois sous baclofène vs 35,8 % sous placebo, soit une différence significative de 21 % entre les 2 groupes. Ils mettent aussi en évidence un nombre de jours d’abstinence significativement supérieur dans le groupe baclofène. Côté tolérance de très nombreux effets indésirables courants ont été recensés aussi bien sous baclofène (93 %) qu'avec le placebo (87 %), sans différence significative entre les deux groupes. En revanche, les auteurs rapportent davantage d'effets indésirables graves (insomnie, somnolence et troubles cognitifs) sous baclofène (44 %) comparé au placebo (31 %).

Traitement à la carte

« Il s’agit cependant d’effets secondaires connus et attendus qui peuvent être parés via d’autres traitement ou en adaptant les doses », tempère le Pr Jaury qui plaide donc pour des prescriptions personnalisées en fonction du patient.

Cette approche à la carte « implique d’être formé » poursuit le Pr Jaury tout en soulignant le rôle majeur des généralistes. « Le fait qu’il y ait dans Bacloville 36 % de patient améliorés sous placebo montre l'importance de la prise en charge en elle même". 

Difficile abstinence

L’étude Alpadir est moins concluante puisque le critère principal (abstinence complète pendant 20 semaines) n’a été atteint que par 11,9 % des patients sous baclofène, sans différence avec le placebo (10,5 %). Selon le Pr Michel Reynaud (Villejuif), investigateur principal de l’étude, ce résultat négatif pourrait s’expliquer par les évolutions des objectifs thérapeutiques en matière d’alcool observées au cours de ces dernières années. « Le protocole de l’étude a été conçu à une époque où l’on ne parlait que d’abstinence », explique le Pr Reynaud. Mais depuis, « la communication et la perception sociale autour du baclofène ont profondément changé chez les soignants comme chez les malades qui ont de plus en plus tendance à souhaiter réduire leur consommation plutôt qu’à rester totalement abstinent ».

Pour les autres critères (baisse de consommation journalière, délai jusqu’à rechute, etc.) les données étaient numériquement en faveur du baclofène mais sans différences significatives, sauf pour le craving. L’effet du baclofène était plus marqué chez les buveurs à haut risque (plus de 4 verres/jour pour les femmes, plus de 6 pour les hommes). "Des buveurs de 12 verres/jour sont passés à 3 verres avec le baclofène contre 4,5 avec le placebo", illustre le Pr Reynaud. Côté tolérance, aucun problème grave n'a été relevé, mais les participants les plus fragiles avaient été écartés.

Pour le spécialiste, sans être miraculeux, "ce médicament apporte donc un plus dans l'arsenal thérapeutique" contre l'alcoolo-dépendance.

Assouplissement de la RTU

Hasard du calendrier? L’ANSM vient d’ailleurs de reconduire pour un an et d’assouplir la RTU du baclofène dans la prise en charge des patients alcoolo-dépendants.

Désormais, celui peut-être prescrit en primo prescription (et non plus seulement « après échec des autres traitements disponibles ». Par ailleurs, « le portail d’inclusion des patients sera supprimé, celui-ci ayant été jugé trop complexe par les professionnels de santé et n’ayant pas permis d’identifier de nouveaux signaux de pharmacovigilance » indique l’ANSM.

Bénédicte Gatin

Source : lequotidiendumedecin.fr