Cancer de la prostate

Cnam, INCa, Collège freinent sur le PSA

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Publié le 25/03/2016
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88 % des dosages de PSA sont prescrits par des médecins généralistes. Les données récentes issues des registres de la Cnam restent à la défaveur de ce dosage réalisé en guise de dépistage.
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Associée à l’INCa et au Collège de la médecine générale, l’Assurance Maladie réussira-t-elle cette fois à endiguer le flot des dosages de PSA prescrits pour dépister un cancer de la prostate ? L’institution profite de la récente publication  de ses statistiques dans le dernier BEH sur le dosage de l’antigène spécifique prostatique (PSA) réalisé pour détecter un cancer de la prostate pour relancer son avertissement prononcé une première fois voilà trois ans.

Entre 2012 et 2014, 62 % des hommes âgés de 50 à 69 ans et 68 % des hommes de plus de 75 ans ont réalisé au moins un dosage de PSA. La quasi-totalité de ces examens - 88 % - est prescrite par un médecin généraliste (versus 6 % par les urologues) qui, dans 95 % des cas, les associe à d’autres analyses (9 en moyenne) dans le cadre d'un « bilan de santé » aux côtés de la NFS, de la glycémie, du bilan lipidique, etc. Et, dans 25 % des cas, la demande de dosage concerne le PSA libre à, propos duquel le Pr Luc Barret, médecin-conseil national de l’Assurance Maladie, rappelle qu’il n’a pas d’intérêt en première intention. Il se déclare aussi « interrogatif » quand les statistiques révèlent que 31 % des dosages concernent des sujets de plus de  81 ans testés pour la première fois.

Certes, les choses bougent un peu et la tendance est plutôt à la baisse, de 3 % depuis 2009.  Mais de manière « très insuffisante » selon la Cnam compte tenu des recommandations successives de la HAS (2010 et 2012) concluant à l’absence de preuves suffisantes pour justifier une stratégie de dépistage par dosage du PSA en 2010, y compris chez les hommes à haut risque en 2012.

 

Un cancer « surdiagnostiqué et surtraité »


Le dosage de PSA tel qu’il est encore pratiqué aujourd’hui en routine ne réduit pas la mortalité de ce cancer comme l’ont  déjà évoqué les études européennes, ERSPC, et américaine, PLCO, mais provoque de nombreuses complications irréversibles induites par des traitements inappropriés. « Ce cancer est surdiagnostiqué et surtraité », affirme clairement le Pr Pierre-Louis Druais (président du Collège de la médecine générale). Nous constatons depuis des années les méfaits de cette stratégie qui aboutit à des biopsies et des interventions injustifiées ». [[asset:image:9486 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]

En effet, les données de la Cnam sont implacables : 50 % des hommes traités pour un cancer de la prostate en 2012 en France ont présenté une ou plusieurs complications nécessitant un traitement dans les deux ans suivant le diagnostic, avec notamment des troubles de l’érection traités pour 35 % des hommes et une incontinence urinaire traitée pour 21 % d’entre eux.

Or, le test PSA peut être faussement négatif et rassurer à tort. La valeur prédictive négative (VPN) est de 90 % ce qui signifie que parmi les hommes qui ont un PSA < 4ng/ml, neuf sur dix n’ont pas de cancer et un sur dix en a un. Et sa valeur prédictive positive (VPP) est de 30 %, ce qui signifie que parmi les hommes qui ont un PSA > 4 ng/ml, trois sur dix ont un cancer et 7 sur 10 n’en ont pas.  « C’est la raison pour laquelle aucune agence sanitaire dans le monde ne le recommande», souligne Olivier Scemama de la Haute Autorité de santé​ (HAS).

 

Le dosage de  « routine » attaqué


Toutefois, les autorités sanitaires restent prudentes et rappellent que c’est au dosage « de routine » qu’elles s’attaquent. À titre individuel, pour un homme dont le cancer serait ou deviendrait agressif, le dépistage peut être bénéfique. S’appuyant sur les recommandations de la HAS, deux nouveaux outils destinés aux médecins et à leurs patients sous forme de brochure pour « faciliter une décision éclairée et partagée » sont désormais disponibles sur le site de l’INCa. « Les limites et les risques de dépistage sont non négligeables et nécessitent que chaque homme décide en connaissance de cause », concluent les experts. Une enquête BVA révèle que seuls 47 % des hommes sont correctement informés avant le dosage.

 

Alors, depuis les années 1980 où les premières publications sur l’intérêt clinique de ce marqueur biologique dans le cancer de la prostate sont parues, l’affrontement entre partisans et détracteurs du dosage du PSA à visée diagnostique va-t-il marquer le pas ? L’absence remarquée de représentants de l’Association française d’urologie lors de la conférence de présentation de ce nouveau dispositif ainsi que leur non-association à la réalisation des brochures ne seront peut-être pas des éléments de nature à convaincre les derniers prescripteurs de PSA.

Dr Linda Sitruk

Source : Le Généraliste: 2753