Rares et déconcertantes, les formes précoces de la maladie d’Alzheimer pêchent par leur retard diagnostique. Ils sont 8 000 Français âgés de moins de 60 ans à souffrir de formes précoces de la maladie d’Alzheimer. En préambule de la Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer qui se déroulera demain, la ville de Lille vient d’organiser l’université d’été Alzheimer (17 au 20 septembre 2013) où le Pr Florence Pasquier, responsable du Centre Mémoire Ressource et Recherche au CHU, a consacré une communication à cette thématique. « Ces patients présentent souvent des symptômes particuliers », souligne la neurologue. Chez eux, les troubles moteurs ne sont pas au premier plan. Ce sont les problèmes cognitifs qui les amènent à consulter. Du fait de leur jeune âge, ils arrivent à les compenser assez longtemps grâce à leur maîtrise des technologies numériques (smart phones, agendas électroniques). Cela retarde le diagnostic qui est, en général, posé deux ans après celui des personnes plus âgées, c’est-à-dire cinq ans après les premiers symptômes. Et ce retard au diagnostic a un impact social fort pour le patient avec perte d’emploi, départ du conjoint, désocialisation… Les troubles de la mémoire ne sont pas non plus mis en avant par ces malades qui présentent plutôt des problèmes des fonctions instrumentales : manques du mot courant, difficultés à articuler, entraînant une grande fatigue qui retentit sur l’ensemble de la performance. Problèmes
d’organisation spatiale également, qui les poussent souvent à consulter en ophtalmologie pour des
« troubles visuels » (lecture, etc.), sans substrat organique retrouvé. À l’imagerie, on constate aussi chez ces patients que l’atrophie hippocampique, est plus discrète que dans la forme typique.
Un « détachement » progressif
À ces formes précoces d’Alzheimer qui représentent la moitié des causes de déclin cognitif chez l’adulte jeune, d’autres formes de démence apparentée s’associent. Notamment « les dégénérescences fronto-temporales dans lesquelles les anomalies comportementales sont prédominantes », ajoute Florence Pasquier. Le patient atteint se « détache » progressivement de la réalité. Il devient apathique, se désintéressant des tâches de la vie courante sans présenter de signes de dépression. Le malade présente également une désinhibition : il dit ce qui lui passe par la tête sans se préoccuper des réactions de l’interlocuteur. « Une évaluation neuropsychologique de débrouillage s’impose alors , puis en cas de suspicion, une autre évaluation plus poussée : tests de mémoire, d’attention, etc. », selon Florence Pasquier. Il faut pour cela adresser le patient à un neuropsychologue faisant partie d’un réseau ou à un référent d’un centre mémoire.
« Ces formes du sujet jeune sont mieux identifiées qu’autrefois grâce à des critères plus précis. Apparus en 1994, ils ont été précisés lors d’un consensus international en 1998, et ont été renouvelés en 2011 (Brain, 2 août 2011). Auparavant, ce type de malades, du fait de leur désocialisation, finissait en hôpital psychiatrique », note le Dr Pasquier. On remarque aussi que la participation génétique semble beaucoup plus importante dans ces formes précoces. Il existe en effet 40% de formes familiales. Avec une grande hétérogénéité des manifestations dans la famille.
Quant au pronostic, il n’est pas aggravé par le fait que ces pathologies sont découvertes tardivement, au stade où les lésions sont déjà étendues. De plus, les malades, relativement jeunes, décèdent moins vite que dans la forme classique, et la phase de dépendance est donc plus longue.
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