Selon les études randomisées CORONARY (The Coronary Artery Bypass Grafting Surgery Off or On Pump Revascularization Study) et GOPCABE (German Off-Pump CABG in Elderly Trial) présentées au congrès de l’American College of Cardiology, les résultats à un an du pontage coronarien à cœur battant sont équivalents à ceux de l’intervention réalisée sous circulation extra-corporelle (CEC). C’est un point important car le pontage sous CEC restait jusqu’à présent le traitement de référence de la revascularisation myocardique chirurgicale faute de résultats probants à long terme du pontage à coeur battant. Surtout qu’il faut noter qu’antérieurement, l’étude ROOBY (Randomized On/Off BYpass) qui comparait les deux techniques concluait, elle, que le pontage à coeur battant faisait moins bien à un an avec un critère d’événements cardiovasculaires majeurs de 9,9 % contre 7,4 % dans le groupe sous CEC (RR de 1,33).
A contrario, dans l’essai CORONARY présenté cette année, la fréquence à un an des décès, des IDM, des AVC ou des insuffisances rénales dialysées est du même ordre dans les deux groupes sur un effectif de 4 752 patients. Soit une incidence annuelle d’événements cardiovasculaires de 12,1 % dans le groupe ponté à cœur battant contre 13,3 % des patients pontés sous CEC. Le taux de revascularisation ultérieure est de 1,4 % pour les pontages à cœur battant comparativement à 0,8 % dans le groupe ponté sous CEC soit un risque relatif de 1,66 qui n’atteint pas la significativité (p = 0,07). Il y a équivalence en qualité de vie et sur les fonctions cognitives. On verra peut-être des différences ultérieurement : « L’étude se poursuit à 5 ans », a précisé l’investigateur.
Parmi les différences entre CORONARY et l’ancienne étude ROOBY, les auteurs soulignent la plus grande diversité de patients dans CORONARY, une meilleure expertise chirurgicale (plus de deux ans d’expérience et plus de 100 interventions) comme le confirment le taux plus faible de patients transférés du pontage à coeur battant vers la CEC et un moindre recours aux réinterventions dans l’étude CORONARY.
Une controverse qui doit se terminer
« Entre de bonnes mains, chez les bons patients, c’est équivalent non seulement à trente jours mais aussi à un an », a souligné le Dr Mark G. Davies (chirurgien cardiaque, Houston) qui a commenté l’étude au congrès. Il a aussi précisé que la controverse entre les défenseurs du pontage sous CEC et les partisans du pontage à cœur battant devrait s’éteindre avec ces nouvelles études aux résultats complémentaires. Car il y a aussi une équivalence des deux techniques de pontage à un an chez les plus de 75 ans dans GOBCAPE sur le critère composite de décès, AVC, IDM, revascularisation ultérieure et insuffisance rénale dialysée.
Dans l’étude allemande GOBCAPE, 2 539 patients de plus de 75 ans ont été randomisés vers un pontage à cœur battant ou vers une revascularisation sous CEC. À 30 jours le critère composite (décès, IDM, AVC, insuffisance rénale dialysée) était de 7,8 % à coeur battant contre 8,2 % sous CEC (OR de 0,95). À un an, le critère primaire composite était superposable dans les deux groupes (13,1 % contre 14 %).
Expertise chirurgicale
En pratique, il devrait être possible de coller plus précisément au profil patient. Il est certain que chez des patients à très haut risque opératoire, on privilégiera le pontage à coeur battant pour éviter les conséquences du clampage aortique (AVC et insuffisance rénale) que nécessite la circulation extra-corporelle. Éviter la CEC permet aussi de diminuer le recours à la transfusion, de ne pas imposer une trop forte charge volumique à un cœur fragilisé et de réduire la durée d’intubation ainsi que le séjour en unité de soins intensifs. À ce sujet, l’étude PRAGUE 6 sur des patients à haut risque chirurgical, présentée aussi au congrès de l’ACC, a bien confirmé que la nécessité de transfuser était de 80 % dans le cas des pontages sous CEC contre 64,9 % dans le groupe ponté à coeur battant.
À l’inverse, chez un homme jeune en bon état général, il est préférable de faire un pontage sous CEC. Il en est de même chez un diabétique où on souhaite un résultat durable sur des lésions souvent très diffuses et des coronaires de petit calibre. « Ce serait une bonne opportunité pour les chirurgiens de bien maîtriser les deux techniques », a estimé pour sa part le Dr André Lamy (université Mac Master, Hamilton, Canada), principal investigateur de l’étude CORONARY. Reste que la technique sans CEC est plus exigeante pour le chirurgien car le cœur continue à battre, ce qui rend le geste plus difficile. Il a ajouté que des études post-hoc ont suggéré que les patients à bas risque opératoire ont tendance à davantage bénéficier du pontage sous CEC tandis que ceux à haut risque opératoire sont de meilleurs candidats au pontage à coeur battant mais il a mis en garde contre ces études a posteriori compte tenu des limites des interprétations sur des sous-groupes non spécifiés au départ.
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