IIl est un temps que les moins de 20 ans ne doivent heureusement pas connaître, celui des végétations et des amygdales enlevées « à l’arraché » sans anesthésie générale qui pour tous ceux qui l’ont subi reste une expérience physiquement et moralement traumatisante. Si depuis longtemps on peut dire « même pas mal » en sortant de chez le dentiste, il n’en va pas toujours de même en quittant l’ORL.
On a longtemps privilégié les anesthésies locales, aussi bien pour les ponctions de sinus que pour les ponctions d’abcès amygdalien, voire les interventions en otologie. Et les discussions thérapeutiques tournaient plus autour de la question de l’antibiothérapie que de la prise en charge de la douleur. Un précédent rapport sur la douleur en ORL avait cependant été présenté en 2004, « mais la douleur est restée longtemps reléguée au second plan et reste mal évaluée et mal contrôlée, explique le Pr Jean-Michel Prades (CHU de Saint-Étienne) qui présentait le rapport. À notre époque, les patients ne nous demandent pas seulement de les guérir, mais aussi de ne pas souffrir. Certes nous ne pouvons pas supprimer totalement la douleur, mais nous devons du moins la ramener à un seuil acceptable ».
Le traitement de la douleur est prioritaire
L’éventail thérapeutique n’a guère changé depuis des années et se serait plutôt rétréci avec les restrictions sur les antalgiques de palier II et l’utilisation des AINS. Reprenant diverses études parues depuis le précédent rapport, celui de 2014 apporte cependant quelques précisions sur les effets antalgiques ou non de certains traitements étiologiques ou symptomatiques.
La douleur de l’otite doit être la priorité thérapeutique, alors que la douleur est encore trop souvent sous-estimée chez l’enfant. Comme toute douleur reconnue ou prévue comme intense, elle nécessite généralement un traitement multimodal et programmé à heure fixe, avec un antalgique de palier 1 de type paracétamol à dose efficace qu’on pourra alterner avec un antalgique de palier 2 à base de codéine si nécessaire qui doit être systématiquement prescrit. Les AINS ne sont pas recommandés et les anesthésiques locaux n’ont pas prouvé leur efficacité.
Dans les douleurs rhino-sinusiennes aiguës, la prescription des AINS ou d’une corticothérapie locale est controversée, n’ayant pas été évaluées en dehors de leur association avec les antibiotiques. Les traitements locaux constituent un apport non négligeable : désinfection des fosses nasales avec des solutions salines, des décongestionnants ou des corticoïdes locaux aident bien souvent à passer la phase aiguë.
Il convient d’être méfiant avant d’étiqueter « sinusite chronique » des douleurs de la face. Le diagnostic se trouve souvent faussement conforté par une radiographie des sinus standard qui montre très fréquemment un « voile sinusien » qui ne correspond à rien et auquel on va attribuer la douleur alors qu’elle relève d’une autre origine. « On ne peut conclure sans une endoscopie nasale et une TDM des sinus et de la cavité crânienne qui permet de débrouiller de nombreuses causes et au moins d’éliminer une cause sinusienne. D’autant que les patients ont parfois abusé du paracétamol en particulier et entretiennent ainsi des céphalées par abus médicamenteux ».
« Petits moyens » locaux
Les douleurs pharyngées sont très majoritairement d’origine infectieuse et essentiellement virale. L’antibiothérapie n’a d’impact sur la douleur que lorsqu’il s’agit d’une angine à streptocoque authentifiée. Que ce soit chez l’adulte ou l’enfant, l’ibuprofène est plus efficace que le paracétamol et on s’aidera des « petits moyens » locaux, gargarismes à l’eau salée froide ou même glacée, pastilles à sucer contenant des analgésiques… etc. La corticothérapie est discutée et serait à réserver aux angines graves en association avec les antibiotiques. La présence d’une odynophagie (déglutition douloureuse), d’un trismus doit alerter ; s’ils peuvent être en rapport avec une infection amygdalienne ils peuvent aussi relever d’un abcès périamygdalien ou d’une tumeur amygdalienne.
Vers des amygdalectomies moins douloureuses
L’intervention en elle-même, que ce soit chez l’enfant ou chez l’adulte, est devenue moins douloureuse du fait de l’information du patient ou des parents avant l’intervention, le choix de la technique chirurgicale et l’utilisation de procédés analgésiques en pré et post-opératoire immédiat. Néanmoins une étude révèle que 30 % des patients manquent d’information sur la durée de l’absence scolaire ou professionnelle liée à la douleur post-opératoire et, d’après la littérature, le traitement antalgique n’est pas systématiquement prescrit et il n’est utilisé de façon adaptée que dans 17 % des cas.
Des schémas thérapeutiques mieux codifiés chez l’adulte
Le choix des antalgiques repose sur l’évaluation du risque d’hémorragie et de détresse respiratoire post-opératoire. Les schémas thérapeutiques sont mieux codifiés chez l’adulte. Le relais à domicile est pris avec le paracétamol per os, éventuellement associé à des antalgiques de palier 2. Les douleurs post-amygdalectomie étant essentiellement
inflammatoires, les AINS se révèlent efficaces et ne semblent pas augmenter le risque de saignement. En revanche, ils ne doivent pas être associés aux corticoïdes vu le risque augmenté de réintervention. Antalgiques et AINS doivent être prescrits de façon systématique et non « à la demande ». Les antalgiques de palier 3 sont réservés aux douleurs rebelles à ces thérapeutiques, mais avec la plus grande prudence en cas de SAOS.
Chez l’enfant, la codéine ne doit plus être utilisée avant 12 ans après amygdalectomie ou adénoïdectomie en raison du risque respiratoire et, chez les plus de 12 ans ils n’arrivent qu’en deuxième intention après échec du paracétamol et/ou des AINS. Le paracétamol doit être systématiquement prescrit. Les autres antalgiques dépendent du contexte. Si le risque hémorragique est augmenté on privilégiera l’administration de tramadol en l’absence de troubles respiratoires. L’ibuprofène en schéma programmé doit être préféré si on craint des troubles respiratoires et éventuellement associé au tramadol. Dans tous les cas, les gestes locaux rendent bien des services : gargarismes au sérum physiologique froid, consommation de glaces à l’eau ou de liquides froids, alimentation liquide ou semi-liquide.
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