Congrès mondial de l’ostéoporose

Sarcopénie, qu’importe la masse musculaire ?

Publié le 25/09/2020
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Bien qu’à la base du mécanisme physiopathologique de la sarcopénie, la perte de masse musculaire est de moins en moins utilisée pour le diagnostic initial de la maladie, au profit de critères plus cliniques. Une évolution détaillée lors du dernier Congrès mondial de l’ostéoporose.

Crédit photo : STEVE GSCHMEISSNER/SPL/PHANIE

La définition de la sarcopénie change… et pourrait changer encore. Au cours d’une session phare du Congrès mondial de l’ostéoporose (congrès WCO-IOF-ESCEO, 20-23 août), le gériatre Alfonso Cruz Jentoft (Madrid) est revenu sur l’effacement progressif de la notion de masse musculaire parmi les critères diagnostiques de la sarcopénie. Placée au cœur de la première définition de la maladie, formulée en 1994, la perte de masse musculaire est en effet passée, fin 2018, au second plan pour ne rester qu’un élément de confirmation diagnostique. En 2020, un consortium d’experts européens propose tout bonnement d’abandonner la mesure de la masse musculaire afin de faire entrer la sarcopénie dans la pratique clinique quotidienne.

Un critère difficile à apprécier en routine

La perte de masse musculaire apparaît en effet difficile à évaluer en dehors des centres spécialisés. Outre le fait que son estimation nécessite du matériel dont la plupart des médecins libéraux ne disposent pas, « le problème est qu’il n’existe pas de technique permettant de mesurer précisément la masse musculaire », explique le Dr Cruz Jentoft. Les performances des deux méthodes de référence, la DXA et l’impédancemétrie, dépendent en effet fortement des opérateurs et des appareils. Or des techniques plus reproductibles telles que le scanner ou l’IRM, plus coûteuses et plus lourdes, ne sont pas recommandées pour mesurer la masse musculaire chez le sujet âgé faute de données suffisantes dans cette population, à l’instar de l’échographie et de la dilution de la créatinine deutérée, dont l’utilisation pourrait cependant se développer dans le futur, prévoit le gériatre.

L’insuffisance musculaire privilégiée

Au contraire, « la notion d’insuffisance d’organe semble particulièrement bien connue des cliniciens, alors plus à même de s’approprier la définition de la sarcopénie », estime Alfonso Cruz Jentoft. L’insuffisance musculaire se traduisant cliniquement par une force musculaire diminuée et par une condition physique dégradée, la sarcopénie peut être dépistée, voire diagnostiquée plus facilement au cabinet. Par exemple, des chutes répétées ou une faible vitesse de marche constituent des signaux d’alerte simples à repérer. De même, des difficultés à réaliser le test des 400 m de marche peuvent contribuer à déterminer le degré de sévérité de la sarcopénie, quand une force de préhension moindre peut suffire à mettre en œuvre une stratégie thérapeutique.

Car l’enjeu d’une modification de la définition est bien de favoriser la prise en charge précoce de la sarcopénie, souligne le Dr Cruz Jentoft. « Il est désormais clair que la sarcopénie a des conséquences négatives », insiste-t-il : d’après une méta-analyse portant sur des données publiées entre 2013 et 2015, la sarcopénie est liée à une mortalité et à un risque de handicap accrus.

Irène Lacamp

Source : Le Généraliste