Ce sont plutôt des bonnes nouvelles ! La troisième journée de la Conférence de Melbourne sur le Sida a permis de conforter trois pistes récentes dans la lutte contre le VIH au plan préventif, curatif et politique. Signe que la lutte contre l’épidémie se joue sur tous les fronts.
La chimioprophylaxie « à la demande » marque des points
Même aux antipodes la France reste en première ligne dans le combat contre le VIH… En cette 3ème journée de conférence internationale sur le sida, l’ANRS vient ainsi de présenter à Melbourne les résultats préliminaires de l’étude Ipergay, lesquels confortent l’intérêt du traitement prophylactique (ou PrEP) « à la demande » chez les homosexuels masculins.
La PrEP consiste à proposer à des personnes séronégatives mais à haut risque de contamination un traitement préventif par antirétroviraux (ARV) pour limiter le risque d’infection. Le concept a été déjà été testé dans différentes populations avec des résultats contrastés. Dans l'essai IPREX conduit chez des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) la prise quotidienne d’un comprimé de Truvada® (ténofovir /emtricitabine) avait permis de réduire en moyenne 44% le risque d'être infecté. Mais les auteurs mettaient en exergue les difficultés d’observance rencontrées par certains participants.
Dans ce contexte, l’ANRS a lancé en janvier 2012, l’étude Ipergay qui évalue, toujours chez des HSH, une stratégie inédite de Prep « à la demande ». Les participants prennent leur traitement uniquement à l’occasion de rapports sexuels et non plus de façon quotidienne et systématique. « L’idée explique le Pr Jean-Michel Molina (Groupe Hospitalier Saint-Louis, Paris), coordinateur de l'étude, c’est que le traitement préventif soit plus simple, mieux toléré et mieux adapté à la vie des personnes ». Pari gagné si l’on en croit les données présentées à Melbourne : sur les 548 échantillons sanguins obtenus auprès des 113 premiers participants de l’essai les deux antirétroviraux composant le Truvada® (ténofovir et emtricitabine) ont été détectés chez 86% et 82% respectivement des participants du groupe prenant la molécule. « Ce niveau d’observance est un des meilleurs observés dans les essais réalisés jusqu’ici avec une PrEP orale, indique le Pr Molina, et est un préalable indispensable si notre stratégie se révélait efficace ».
Reste en effet à savoir dans quelles mesures cette stratégie permettra de réduire ou non le risque de contamination pour les sujets traités. Mais d’ores et déjà l’OMS s’est prononcée, au début du mois, en faveur de l'utilisation d'antirétroviraux de façon préventive chez les homosexuels à risque, constatant dans cette population « une explosion de l'épidémie ».
Une avancée dans l’approche "déloger et tuer"
Concernant le traitement curatif, un travail présenté aujourd’hui relance l’espoir de pouvoir venir un jour purger les réservoirs viraux via la technique de « kick and kill (ou « déloger et tuer »). Constitués essentiellement de lymphocytes CD4, ces réservoirs offrent une sortent de « refuge » au VIH qui s’y installe à l’état dormant, avec un génome maintenu dans un état quiescent, inaccessible aux ARV et « invisible » pour le système immunitaire. A tout moment, certaines de ces cellules peuvent être réactivées par des mécanismes complexes. La transcription virale est alors relancée ce qui entraine la production et le relargage de nouveaux virus et conduit à l’infection de nouvelles cellules. Un puits sans fond qui impose aujourd’hui un traitement à vie pour les patients.
Dans ce contexte, certains chercheurs tentent donc de réactiver ces cellules quiescentes pour les rendre vulnérables aux traitements. Avec de premiers résultats encourageants comme l’a rapporté à Melbourne une équipe de l'université Aarhus au Danemark. Ces chercheurs ont testé chez six malades infectés par le VIH et traités par ARV, l’effet d’un anticancéreux -la romidepsine- sur le génome viral. "Nous avons montré qu'avec ce médicament, nous pouvons activer un virus qui hiberne et que ce virus va alors dans le sang en grande quantité", a déclaré l’investigateur principal de l’étude, Ole Schmeltz Sogaard. Une fois réactivé, les chercheurs espèrent que le virus puisse être repéré par les lymphocytes et détruit. L'équipe souhaite combiner la romidepsine, avec un vaccin baptisé vacc-4x, pour inciter les cellules T à reconnaître puis détruire les cellules refuge du virus. "Nos résultats constituent un pas dans la bonne direction mais le chemin est encore long et les obstacles nombreux avant que nous puissions évoquer une guérison du sida" estiment Ole Schmeltz Sogaard.
La mobilisation internationale payante
En attendant, la lutte contre le sida continue de se jouer aussi au niveau stratégique et politique. A ce titre, une méta-analyse du Lancet présentée cet après midi a montré comment «les objectifs du millénaire pour le développement" ont pu contribuer a améliorer la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Le point numéro six de ces objectifs, adoptés en 2000 par l'ONU, visait spécifiquement ces trois maladies, avec comme ambition de les enrayer voire de les faire reculer tout particulièrement dans les pays pauvres à l'horizon 2015. Depuis 13 ans, il y a eu une "forte hausse du financement et de l'attention politique sur le sida, la malaria et la tuberculose" se félicite l'auteur principal de l'étude, le Dr Christopher Murray, de l'Université de Washington. « Cependant beaucoup reste encore à faire et ces trois maladies restent un problème majeur de santé "
Selon les chiffres du Lancet, pour 2013, le nombre des morts du sida a été estimé à 1,3 million , le nombre des nouvelles infections à 1,8 million et nombre de porteurs du VIH à 29,2 millions. Des chiffres sensiblement inférieurs à ceux diffusés par l'Onusida la semaine passée.
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