En 1994, l’OMS a fait de la DMO l’examen de référence pour l’évaluation du risque fracturaire. Vingt ans plus tard, force est de constater les limites de la méthode. Et si cet examen reste un outil clé dans l’évaluation du risque, il ne décrit pas l'ensemble du syndrome ostéoporotique. Et, en 2014, on ne peut plus résumer l'ostéoporose à la DMO. Ni traiter sur cette base seule.
Comme l’a rappelé le Pr Christian Roux (CHU Cochin) lors du congrès de la société française de rhumatologie (Paris), c’est la publication de l'étude SOF (Study of Osteoporotic Fractures) qui a permis à la DMO de gagner ses galons et d’être retenue par l'OMS comme critère diagnostic d'ostéoporose en 1994. Cette étude de cohorte initiée en 1986 sur des 1 000 femmes de plus de 65 ans montrait en effet pour la première fois qu’une forte proportion des fractures surviennent chez des femmes présentant des DMO basses. Dans cette analyse, la part de la DMO sur le risque de fracture varie de 10 à 45 % suivant le site de fracture.
« La DMO était donc dès le départ un paramètre pertinent mais incomplet », analyse le Pr Roux. Le risque de fracture dépend, en effet, à la fois du type de chute et d'impact et de la solidité de l'os, elle-même fonction non seulement de la quantité d'os évaluée par la DMO mais aussi de sa qualité et de son architecture.
Dans ce contexte l'OMS propose dès 1994 de retenir une définition opérationnelle de l’ostéoporose en s’appuyant sur le T-Score (écart entre la densité osseuse mesurée et la densité osseuse théorique de l’adulte jeune de même sexe, au même site osseux) Et pour ce faire retient deux seuils, l’un pour définir l'ostéoporose (T-Score inférieur à -2,5) et l’autre définissant l’ostéopénie (T-Score inférieur à -1)
L’ostéopénie, une construction de l’esprit ?
Or, « ce seuil du TScore à - 1 est totalement arbitraire, souligne le Pr Roux. Il a été mis en place pour fixer un repère et permettre des comparaisons d'une étude à l'autre, d'une population à l'autre. » Mais, « au niveau individuel, l'ostéopénie n'est pas une pré-maladie. Environ la moitié des femmes de plus de 50 ans sont ostéopéniques. Et bon nombre ne développeront pas d'ostéoporose ». Une étude publiée en 2012 (NEJM 2012 Gourlay ML et al) avec un suivi de 18 ans de près de 5000 femmes de plus de 65 ans montre que si leur T-Score initial est entre -2,5 et -2, à 5 ans 40 % ont un T-Score inférieur à -2,5 et à 10 ans 75 % un TScore inférieur à -2,5. En revanche les femmes de TScore initial supérieur à -2 n'ont quasiment aucune chance de devenir ostéoporotique. Le risque à 10 ans est inférieur à 10 % dans cette cohorte. « Globalement, en absence de fracture, ce sont essentiellement les femmes présentant des TScores inférieurs à -2 qu'il faut suivre. Et surtout on ne doit pas traiter l'ostéopénie. »
Les limites de la méthode
Le T-Score retenu pour définir l’ostéoporose semble davantage coller à la réalité. Mais, là encore, le recul a montré les limites de la méthode. « Il y a des femmes sans ostéoporose qui font une fracture du col du fémur. Parmi les femmes fracturées, la moitié avait un T-Score supérieur à -2,5 dans l'étude SOF. Et, pour l'ensemble des fractures, on retrouve des résultats similaires dans la cohorte de Rotterdam, note Christian Roux. En revanche, si on considère les antécédents de fracture ça change tout. L'antécédent de fracture vertébrale multiplie par deux le risque de fracture à même DMO. Il pèse plus que le T-Score sur le risque de fracture. »
Deux sortes d’ostéoporose
« Après 20 ans d'expérience on se rend donc compte que la DMO et le T-Score sont des éléments absolument fondamentaux dans la prise en charge des patients. Mais ils ne résument pas le problème de la fragilité osseuse», souligne le Pr Roux.
« En pratique, il y a en effet deux sortes d'ostéoporose. L'ostéoporose fracturaire à DMO basse. Et l'ostéoporose fracturaire sans DMO basse liée à une altération de la qualité osseuse. L'exemple type en est le diabète où le risque de fracture est majoré alors même que les DMO sont normales voire élevées. On sait maintenant que cette fragilité est liée à une glycation des protéines osseuses à l'origine d'un vieillissement prématuré de la matrice. »
Traiter en fonction du risque
Ne plus restreindre l'ostéoporose à la DMO vient certes compliquer le message, d'autant qu'évaluer le risque fracturaire à DMO normale reste une gageure reconnaît le Pr Roux. Mais, au bout du compte, « le problème c'est avant tout la fracture ». C'est pourquoi les recommandations de 2012 privilégient le traitement des patients ayant des fractures, Et si les fractures sont sévères préconisent de traiter quelle que soit la DMO. En absence de fracture ou de fracture sévère, s'il y a des facteurs de risque importants, le traitement est fonction du T-Score.
Quand au Frax, outil d'évaluation du risque fracturaire n'incluant pas la DMO, il n'est recommandé en France qu'en troisième intention, quand justement le T-Score n'explique pas le risque fracturaire. « C'est plus un outil à réserver aux cas difficiles d'ostéoporose. »
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