Coronavirus : Mal équipés, de nombreux généralistes contaminés, un praticien du Bas-Rhin témoigne

Par
Publié le 18/03/2020
Coronavirus

Coronavirus
Crédit photo : SPL/PHANIE

L'épidémie de coronavirus gagne désormais le corps médical et les médecins généralistes, en première ligne pour recevoir les patients en ville. Chaque jour, de nouveaux cas de médecins testés positifs au Covid-19 sont rapportés, sans qu'il soit possible d'établir un décompte exact. Hier, le président de la Fédération des médecins de France (FMF), le Dr Jean-Paul Hamon dévoilait sur son compte Twitter être atteint du virus. Mardi aussi, le président du syndicat UFML-S, le Dr Jérôme Marty, affirmait dans un tweet qu'un généraliste de 72 ans exerçant en région parisienne était en réanimation.

Quatre généralistes infectés dans une MSP du Bas-Rhin

Dans une maison de santé (MSP) du Bas-Rhin, située à une soixantaine de kilomètres à l'ouest de Strasbourg dans une zone semi-rurale, la moitié des omnipraticiens de la structure, soit quatre généralistes sur huit, sont positifs au Covid-19. La zone est la plus touchée par l'épidémie actuellement. Une interne et une secrétaire sont également contaminées. L'un des médecins de famille infectés de la structure, le Dr S.*, 53 ans, se retrouve mis en quarantaine à son domicile. « La semaine passée, un des médecins et son interne ont commencé à présenter des signes de fatigue, explique-t-il au Généraliste. L'interne s'est fait tester et est revenue positive. Pour ma part, j'ai présenté des signes à partir de samedi matin. » Après avoir essuyé un premier refus de test en appelant le 15 dimanche, le Dr S. est finalement convoqué à Strasbourg lundi avec un autre confrère pour faire le dépistage. Le résultat est sans surprise positif. Selon le généraliste, la propagation du virus au sein de la MSP pourrait s'expliquer par une réunion entre confrères organisée la semaine passée. 

Côté symptômes, pour l'instant, ni le Dr S. ni ses cinq collègues positifs ne présentent de signes de gravité. « Pour l'instant, je suis chanceux car je n'ai pas de toux », confie-t-il. Il souffre toutefois de fièvre, ressent une fatigue et des courbatures, des troubles digestifs et une sensation de picotements cutanés « comme lorsqu'on met un T-shirt avec un coup de soleil ». Le généraliste espère pouvoir reprendre le travail dans une semaine. « Ce n'est pas évident de rester à la maison. On espère pouvoir renforcer au plus vite l'équipe même si nous avons eu la chance de trouver rapidement des remplaçantes », ajoute-t-il. Le Dr S. attend également avec impatience de recevoir les masques chirurgicaux promis par le gouvernement. « Ils doivent arriver ce soir normalement, jusqu'à présent nous avions encore un stock de FFP2 de 2011 mais nous les avons sûrement mis trop tard, la preuve », fait-il remarquer. 

Toujours pas de masques

Au sein de la MSP, l'épidémie alsacienne a également amené les professionnels à réorganiser le fonctionnement de la structure, le nombre de cas suspects ayant augmenté « très rapidement ». « Nous procédons au maximum par téléphone et repoussons les visites à domicile non urgentes. Les horaires d'accueil sont réduits. Nous invitons les patients présentant des symptômes à attendre dehors pour ne pas contaminer la salle d'attente. Par chance, pour l'instant il fait beau », confie le Dr S. avec une note d'humour. Il s'inquiète toutefois de la charge croissance d'appels au cabinet. « Les secrétaires sont débordées, constate-t-il, heureusement que pour l'instant les patients respectent plutôt bien les consignes pour ne pas encombrer la maison de santé. » 

Depuis son domicile, le Dr S. s'émeut toutefois du manque de considération dont fait preuve le gouvernement à l'égard des médecins de ville. « Le retard dans la distribution des masques en est l'exemple, tout comme les trois jours de carence appliqués pour les médecins infectés en arrêt maladie », déplore le généraliste. Selon lui, le numéro mis en place par l'Assurance maladie pour demander les indemnités journalières exceptionnelles mises en place dans le cadre de l'épidémie est injoignable. « J'ai attendu encore une heure et demie ce matin sans succès. Soit c'est inquiétant car cela veut dire que trop de professionnels de santé appellent, soit le service n'est pas fiable », analyse le Dr S. « On nous présente désormais comme des chevaliers, il serait bien que tout cela suive », conclut le généraliste qui espère être de retour au cabinet dès lundi… et « avec l'équipement nécessaire pour protéger [ses] patients »

* Le généraliste a souhaité garder l'anonymat pour « éviter les mouvements de méfiance » vis-à-vis de la MSP.


Source : lequotidiendumedecin.fr