Création d’une consultation pesticides et pathologies pédiatriques au CHU d’Amiens-Picardie

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Publié le 12/04/2024

Dans le cadre de l’indemnisation des victimes de pesticides, le CHU Amiens-Picardie a ouvert, en octobre 2023, une consultation dédiée accueillant les enfants atteints de leucémies, tumeurs cérébrales, hypospadias et/ou fentes palatines.

La Pr Élodie Haraux, urologue pédiatrique et le Dr Sylvain Chamot, responsable des consultations au CHU Amiens-Picardie

La Pr Élodie Haraux, urologue pédiatrique et le Dr Sylvain Chamot, responsable des consultations au CHU Amiens-Picardie
Crédit photo : CHU Amiens-Picardie

En 2021, la France a été le premier pays au monde à se doter d’un fonds d’indemnisation des victimes de pesticides. Destiné aux personnes victimes d’une exposition professionnelle, il se décline en un volet adulte et un volet enfant pour les expositions prénatales des parents. Comment instruire les dossiers ? Le CHU Amiens-Picardie a créé en octobre 2023 une consultation spécifique afin « d’accompagner la prise en charge des familles, et faire reconnaître l’exposition professionnelle d’un parent aux pesticides ».

Leucémies, tumeurs cérébrales, hypospadias et/ou fentes palatines : la consultation s’adresse aux enfants souffrant d’une de ces quatre pathologies pour lesquelles le lien de causalité avec les pesticides a été établi dans la littérature, et dont le diagnostic remonte à moins de 15 ans. Depuis son ouverture elle a reçu une trentaine de patients.

Évaluation d’une à deux heures

« En principe, devant une de ces quatre pathologies, les chirurgiens ou les médecins qui prennent en charge un enfant atteint remettent un questionnaire aux familles. Si celui-ci révèle une possible exposition professionnelle, les familles nous sont adressées et nous réalisons une consultation médicale longue d’une ou deux heures pour évaluer toutes les expositions », explique au Quotidien le Dr Sylvain Chamot, responsable du centre régional de pathologies professionnelles et environnementales (CRPPE) des Hauts-de-France au CHU Amiens-Picardie. Le médecin, également doctorant au sein de l’unité de recherche périnatalité et risque toxique (Peritox), a co-créé cette consultation avec la Pr Élodie Haraux, urologue pédiatre, qui a notamment mené des travaux sur l’exposition prénatale aux pesticides et le risque d’hypospadias chez l’enfant. « Le projet de cette consultation entrait dans la logique des travaux que nous menons au CHU Amiens-Picardie, Élodie Haraux travaillant sur la présence de pesticides dans le méconium de nouveau-nés atteints d’hypospadias », explique le Dr Chamot.

La consultation dédiée et structurée se fait en collaboration avec les chirurgiens pédiatres et les pédiatres du CHU ; « l’avantage est qu’en Picardie, notre CHU reçoit déjà tous les patients atteints des quatre pathologies citées », précise Sylvain Chamot. Le médecin peut constater chez les parents des expositions environnementales problématiques : « certaines sont assez surprenantes, j’ai pu remarquer que les expositions à l’alcool, au cannabis et au tabac ne sont pas rares… ». Mais sa mission est avant tout d’évaluer l’exposition professionnelle aux pesticides. « L’expertise du médecin permettra de statuer quant à l’impact de l’activité professionnelle dans l’apparition de la maladie de l’enfant. Une demande d’indemnisation au fonds d’indemnisation des victimes de pesticides sera recommandée ou non selon la situation. Si l’exposition n’est pas retrouvée, un courrier indiquant qu’une consultation spécifique n’est pas adaptée sera adressé aux parents. »

Omerta du monde agricole

« Il existe une certaine omerta dans le milieu agricole autour des pesticides. La situation est déjà tendue vis-à-vis des riverains et cela peut être un sujet compliqué dans ces familles qui font les frais de l’"agribashing". Il leur est difficile de se dire que leur travail a pu participer au développement de la maladie de leur enfant », analyse le Dr Chamot qui a vu des familles mettre fin à la consultation. « Mais c’est une question bien plus vaste et ce n’est pas à l’agriculteur de porter la responsabilité de l’exposition aux pesticides », défend le responsable de la consultation. Ce dernier a d’ailleurs remarqué, parmi les parents, une forte prévalence de travailleurs en espaces verts, « autant que d’agriculteurs ».

Si ces quatre pathologies restent plutôt rares, avec un petit volume de familles reçues depuis la création de la consultation d’Amiens, d’autres, plus ou moins structurées, sont en train de voir le jour en France.


Source : lequotidiendumedecin.fr