Médecine des voyages

Des risques en mutation

Publié le 01/06/2018
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La prévention antipalustre n’est plus indispensable qu’en Afrique. Le portage de bactéries multirésistantes aux antibiotiques devient un risque majeur. L’encéphalite japonaise est désormais une préoccupation. Face aux évolutions épidémiologiques des maladies, le HCSP vient de revisiter ses recommandations aux voyageurs. Focus sur les nouveautés 2018.
Avion

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Crédit photo : GARO/PHANIE

Durant un séjour à l’étranger, 15 % à 70 % des voyageurs subissent au moins un problème de santé. Si les traumatismes restent la première cause de rapatriement sanitaire, devant les problèmes cardiovasculaires, les risques infectieux sont en pleine évolution, comme le souligne le Haut conseil de la santé publique (HCSP) dans ses dernières recommandations aux voyageurs.

Encéphalite japonaise et fièvre jaune en pole position

L’encéphalite japonaise est mal nommée, puisqu’elle concerne toute l’Asie et une partie de l’Australie, même si le risque n’est pas identique dans tous les pays. Les experts du HCSP constatent l'amplification des longs séjours (professionnels, étudiants) qui relèvent de la vaccination.

Le règlement sanitaire international rend exigible la vaccination contre la fièvre jaune à partir d’un an. Elle est indispensable pour un séjour dans une zone endémique (régions intertropicales d’Afrique et d’Amérique du Sud) ou épidémique, même en l’absence d’obligation administrative. Ses indications prennent en compte le risque de transmission, l’obligation administrative, les escales et l’âge. Le vaccin Amaril est disponible dans les centres désignés par les ARS.

Les mesures de précaution vis-à-vis de l’eau et des aliments restent d’autant plus indispensables que le vaccin contre l’hépatite A subit des tensions d’approvisionnement et que celui contre la typhoïde n’assure qu’une protection de 50 à 65 %.

Les vaccins du voyageur doivent être réalisés au moins 15 jours avant le départ. Ceux du calendrier vaccinal français doivent être à jour car certaines infections peuvent être endémiques dans le pays de destination (poliomyélite, rougeole, etc.).

Paludisme, peser la décision

Les pays en cours d’élimination du paludisme sont de plus en plus nombreux. En 2016, l’OMS a par exemple certifié le Sri Lanka « exempt de paludisme ». Ainsi, 21 pays pourraient éliminer cette pathologie d’ici 2020. En France, on a estimé à 5 300 les cas d’importation en 2017, dont 84 % chez des sujets d’origine africaine. Dans ce contexte, pour les voyages classiques, la chimioprophylaxie n’est plus indispensable qu’en Afrique, ailleurs c'est selon le mode des séjours.

Dans les pays à faible risque, la possibilité d’effets secondaires graves des antipaludiques dépasse le risque d’impaludation : la protection personnelle antivectorielle (PPAV) par répulsifs et moustiquaires peut être la seule mesure de prévention. Dans les zones à risque modéré, la PPAV reste la base de la prévention, mais doit être renforcée par une chimioprophylaxie personnalisée selon l’âge, le poids, la grossesse, les co-prescriptions, mais aussi les capacités financières, obstacle majeur à l’observance. La méfloquine n’est envisagée qu’en dernière intention, en raison du risque neuropsychiatrique, et déconseillée en cas de pratique de la plongée.

Le colportage bactérien

Le risque infectieux lié aux voyages est aussi celui de l’acquisition de bactéries multirésistantes (BMR), notamment des entérobactéries (E. coli surtout) productrices de βlactamases à spectre étendu (BLSE). Sur des séjours de 3 à 90 jours, le risque d’acquisition de BLSE est de 72 % en Asie – maximal en Inde –, 48 % en Afrique subsaharienne, et 31 % en Amérique du Sud. Le risque augmente en cas de diarrhée pendant le séjour, d’antibiothérapie, d’hospitalisation, de tourisme médical (soins dentaires, chirurgie froide, chirurgie plastique).

En conséquence pour les soins primaires, 25 % des infections urinaires au retour de voyage étant liées à l’acquisition de BLSE, l’antibiothérapie de première intention peut être modifiée. En cas d'hospitalisation en France dans l’année suivant un séjour hospitalier à l’étranger, il est nécessaire de réaliser un dépistage (écouvillonnage rectal) du portage et d’isoler le patient. Cette mesure concerne également les rapatriés sanitaires.

Trois mois après le retour, 95 % des patients ont éliminé le portage. La probabilité de transmission à l’entourage des gènes de résistance est de l’ordre de 12 %.

Les mineures dans le collimateur

Enfin, pour la première fois, le HCSP sollicite la vigilance des médecins sur le risque de mutilation sexuelle (excision, infibulation) et/ou de mariage forcé concernant les mineures lors de leur séjour au pays. Ce danger justifie l’identification de ces situations et l’information des familles sur la gravité et l’interdit juridique de ces gestes.

Dr Julie Van Den Broucke

Source : lequotidiendumedecin.fr