26.000 cas et 10.800 morts depuis décembre 2013 : c’est à ce jour le dernier bilan de l'OMS, mais il semble nettement sous-évalué de l'aveu même de l'organisation. De surcroit, ces 16 mois d’épidémie pourrait avoir fait des victimes collatérales du fait de pathologies non traitées correctement pendant ce temps. L'effondrement des services de santé dans trois pays ouest-africains dévastés par Ebola pourrait avoir causé jusqu'à 11.000 décès supplémentaires dus cette fois au paludisme, selon des chercheurs. A ce chiffre s'ajoutent 3.900 autres décès qui résulteraient d'interruptions de la fourniture de moustiquaires imprégnées d'insecticide, selon les données de modélisation des épidémies publiées vendredi dans The Lancet, à la veille de la Journée mondiale contre le paludisme.
Des systèmes de santé dévastées
"L'épidémie d'Ebola en cours dans certaines régions d'Afrique de l'Ouest a largement débordé les systèmes de santé déjà fragiles en 2014, rendant impossible des soins adéquats pour le paludisme", selon Patrick Walker de l'Imperial College de Londres, l'auteur principal de l'étude. Selon Walker et son équipe, dans le pire des scénarios possibles, si l'épidémie Ebola avait interrompu tous les traitements du paludisme, l'augmentation des cas de paludisme non traités serait de 45% (1,6 million) en Guinée, de 88% (1,3 million) en Sierra Leone, et de 140% (520.000 cas) au Libéria en 2014. Les défaillances dans la fourniture de moustiquaires compteraient pour 840.000 autres cas. Quelque 5.600 décès en Guinée, 3.900 en Sierra Leone et 1.500 au Liberia résulteraient de l'absence de soins dans les cliniques et hôpitaux, estiment ainsi les auteurs.
Le mois dernier, des chercheurs ont mis en garde sur une hausse probable de la rougeole et d'autres maladies dues à des campagnes de vaccination interrompues dans les trois pays, ce qui peut aboutir à une nouvelle urgence de santé publique.
Syndrome "post-Ebola" chez les survivants
L'OMS et les autorités sanitaires des pays touchés se penchent aussi sur les effets à long terme, très mal connus, du virus sur les survivants. Une proportion non négligeable des survivants se plaindrait d'effets secondaires parfois très handicapants. " Nous devons être conscients que des complications peuvent survenir" après un traitement contre la fièvre hémorragique, a admis la responsable de l'OMS pour l'Afrique, le docteur Matshidiso Moeti. Lors d'une visite mercredi à Monrovia, le Dr Moeti a ainsi rencontré la dernière patiente en date à avoir quitté un centre de traitement au Liberia. Selon la survivante, Beatrice Yordoldo, qui est sortie le 5 mars, "la majorité des survivants" à qui elle a parlé lui ont fait part de problèmes de vision, de troubles de l'audition et de maux de tête.
De fait, dès octobre 2014, l'OMS abordait cette problématique sur son site internet, dans une interview avec une responsable de la prise en charge psychologique et sociale des survivants d'Ebola dans l'est de la Sierra Leone, à Kenema. "Nous constatons que de nombreuses personnes ont des troubles de la vision. Certains se plaignent d'une vision brouillée, pour d'autres, la perte d'acuité visuelle est progressive. J'ai rencontré deux personnes qui sont devenues aveugles", rapportait alors Margaret Nanyonga. Mme Nanyonga, qui parle d'un "syndrome post-Ebola", estimait ainsi que la moitié des survivants d'Ebola dans la zone de Kenema avait rencontré des problèmes de vue. D'autres se sont plaints de douleurs articulaires, musculaires et de fatigue extrême.
"Il nous faut comprendre pourquoi ces symptômes persistent et déterminer s'ils sont provoqués par le virus, par son traitement ou encore par les mesures de désinfection", expliquait Mme Nanyonga. Or, les données en provenance du terrain sont encore très parcellaires. L'ampleur de cette épidémie et sa vitesse de propagation ont pris de court la communauté internationale. Et si les survivants des précédents foyers faisaient également état de complications, leur nombre était trop faible pour permettre des recherches approfondies.
Guyane : circulation silencieuse du poliovirus, la couverture vaccinale insuffisante
La néphroprotection intrinsèque aux analogues de GLP-1 clarifiée
Choléra dans le monde : moins de cas, plus de décès et pénurie de vaccins, une situation « profondément préoccupante » pour l’OMS
Traitement de la dépendance aux opioïdes : une meilleure observance pour la méthadone