Obésité

Faut-il abandonner l’IMC ?

Publié le 28/02/2014
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Aujourd’hui, tout le monde connaît son IMC. Mais cet indice, à l’origine conçu pour fonder des statistiques, présente de nombreuses limites. Notamment, chez les personnes obèses (IMC ›30), pour lesquelles il reflète mal le risque cardio-métabolique.

Crédit photo : GARO/PHANIE

« IMC ›30 : attention vous êtes obèse, avec les risques pour la santé qui en découlent. » Si, sur certains sites, l’interprétation de l’indice de masse corporel (IMC) est catégorique, dans la réalité les choses ne sont pas si simples. En effet, « on ne peut plus dire que la hausse de l’IMC est associée de façon linéaire à la sévérité de l’obésité ou à l’augmentation du risque cardiovasculaire », a reconnu le Dr Emmanuel Disse (endocrinologue, CH Lyon sud), lors de la Journée Annuelle Benjamin-Delessert (JABD, 31 janvier 2014, Paris).

Des phénotypes qui font douter

Déjà, certains phénotypes ont fait douter de la pertinence de cette théorie. Notamment celui de l’obésité métaboliquement saine : il s’agit de personnes obèses, parfois très sévèrement en regard de l’IMC, mais qui ne présentent pas de problèmes de santé. 15 à 25% des obèses sont concernés : « Ce sont le plus souvent des personnes jeunes, avec des antécédents familiaux d’obésité précoce et avec une faible quantité de graisse viscérale », commente le Dr Disse.

À l’inverse, il existe des sujets avec un IMC normal, mais métaboliquement obèses, c’est-à-dire présentant des complications telles que diabète ou HTA. La localisation de la masse grasse, qui se situe au niveau abdominal, a sans doute un rôle à jouer dans ce dernier phénotype. « On sait, en effet, de longue date que les personnes présentant un obésité viscérale sont plus à risque cardio-métabolique par rapport à celles ayant une obésité cutanée, localisée au niveau des cuisses et des hanches », indique le Pr Jean-Michel Oppert (service de nutrition, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris). Or l’IMC ne prend pas en compte cette localisation.

De plus, il existe aussi un phénotype d’obésité sarcopénique (accumulation de masse grasse et altération de la masse et de la fonction musculaire). On ignore encore les répercussions de ce phénotype et la prise en charge qui doit être mise en œuvre.

Pas de surmortalité en dessous de 35

Par ailleurs, l’obésité est classiquement associée à un risque de mortalité accru. Or les dernières données épidémiologiques (méta-analyse publiée dans le JAMA) tendent à nuancer ce point. Ce sur-risque n’est perceptible que pour les obésités très sévères (IMC ≥ 35), avec une augmentation du risque de mortalité toute cause (RR 1,29). En revanche, pour un IMC de 25 à 30 et de 30 à 35, il n’y aurait pas de sur-risque de mortalité.

Autre limite de cet indice : l’IMC ne prend pas en compte l’âge. Fait problématique car, chez les seniors, l’excès de corpulence pourrait être protecteur, la population vieillissante étant plus exposée au risque de dénutrition et de sarcopénie.

Enfin, l’IMC ne prend pas non plus en compte le sexe et l’origine ethnique qui ont pourtant une influence certaine. La plupart des experts considèrent donc qu’il faut aller au-delà de l’IMC, surtout dans le cadre de l’obésité, en proposant de s’en tenir aux facteurs de risque traditionnels : pression artérielle, taux de cholestérol, glycémie, tour de taille et IMC. Un point de vue que défend d’ailleurs l’Inpes pour qui « le calcul de l’IMC est avant tout un outil de dialogue avec le patient ».

Pour aller plus loin, on pourrait avoir recours à la classification américaines EOSS (Edmonton Obesity Statging System). Cette échelle comprend cinq stades d’obésité. Elle collige des mesures physiques (IMC, rapport taille-hanches), des faits cliniques (présence ou non d’HTA, hyperglycémie, diabète, IDM, insuffisance cardiaque, arthrose), mais prend aussi en compte la dimension somatique et psychologique de l’obésité (qualité de vie, douleur, fatigue, anxiété…). « Cette classification permet d’envisager clairement la progression et la gravité de l’obésité, indique le Pr Olivier Ziegler (Centre de l’obésité, CHU de Nancy), et des études ont montré sa bonne corrélation avec le risque de mortalité. » Toutefois, il reste encore à bien évaluer cet outil qui reste complexe et à l’adapter à la pratique française.

Charlotte Demarti

Source : Le Généraliste: 2673