Homéopathie : la HAS justifie son « avis défavorable » au maintien du remboursement

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Publié le 28/06/2019
Conférence de presse HAS

Conférence de presse HAS
Crédit photo : Stéphane Lancelot

Près d’un an après avoir été chargée par Agnès Buzyn de se prononcer sur la nécessité de maintenir le remboursement des médicaments homéopathiques, la Haute autorité de santé (HAS) a annoncé vendredi matin que sa commission de transparence (CT) avait adopté mercredi un avis prônant leur déremboursement, confirmant une information de « Libération ». L’avis définitif de la commission a été adopté quasiment à l’unanimité, un seul de sa trentaine de membres — un médecin généraliste — s’étant abstenu.

« Pas d'avantage clinique [...] mais des résultats originaux et intéressants »

L’évaluation menée ces derniers mois était « originale à plus d’un titre », a expliqué le Pr Christian Thuillez, président de la CT. Celle-ci a notamment pour coutume d’évaluer l’effet d’un médicament pour une maladie. De plus, la recherche bibliographique menée par la commission a recensé plus de mille études sur le sujet. « C’est colossal, a souligné Mathilde Grande, cheffe du service évaluation des médicaments (SEM). Quand nous évaluons un seul médicament, nous retrouvons 1 à 5 études cliniques. »

Au final, 37 études ont été jugées recevables et donc retenues par la commission de transparence. Et aux yeux de celle-ci, aucune d’elles n’a prouvé l’efficacité des médicaments homéopathiques. « Nous avons conclu qu’il n’y avait pas d’avantage clinique possiblement décelable vs. Placebo pour différentes raisons, a déclaré le Pr Thuillez. Soit ces études montraient qu'il n'y avait pas d'efficacité supplémentaire, soit les résultats étaient très contradictoires (...), soit il y avait des problèmes méthodologiques (organisation de l'étude, durée de suivi, type de patient…). » Et le président de la commission d'ajouter : « Nous avons donc dû donner un avis défavorable au maintien du remboursement, malgré la bonne tolérance des médicaments et les résultats originaux et intéressants de certaines études. »

Un problème méthodologique pour EPI 3

Parmi ces études, on retrouve EPI 3, fréquemment citée par les défenseurs de l’homéopathie. Selon le Pr Thuillez, celle-ci « montrait que certains médicaments pouvaient avoir une efficacité clinique et surtout pouvaient diminuer la consommation d'autres médicaments classiques ». Le problème de cette étude est que les groupes utilisés ne sont pas comparables selon Mathilde Grande. Or, « ce biais méthodologique majeur ne peut être compensé par des techniques statistiques », a-t-elle relevé. De plus, « l’étude EPI 3 compare des pratiques et non des médicaments », a fait valoir Mathilde Grande.

La présidente de la HAS, le Pr Dominique Le Guludec, a affirmé vendredi que la HAS avait accompli sa mission avec « sérieux et rigueur » et dans un esprit « scientifique, sans a priori ni dogmatisme ». « Consciente » que le sujet intéresse de nombreux patients et qu’une partie non négligeable de la population utilise des médicaments homéopathiques, Dominique Le Guludec a également tenu à exprimer son « respect » pour les patients y recourant et expliqué que l'avis de la HAS ne venait pas « contester » leur expérience personnelle.

Le Pr Guludec a rejeté l'argument selon lequel les médicaments homéopathiques ne peuvent être évalués comme les autres. « Les labos revendiquent le statut de médicament et un remboursement. Donc ils doivent pouvoir montrer leurs bénéfices, a-t-elle lancé. Notre système de santé solidaire impose de faire des choix et pour cela il faut des règles. » La présidente de la HAS a également souligné que le critère de santé publique avait été pris en compte.

Les pro-homéo réclament un moratoire

Désormais, il appartiendra à Agnès Buzyn de statuer sur la question. Jeudi, la ministre avait indiqué sur France 2 que sa décision pouvait attendre. Ce qui a irrité les anti-homéopathie. L'association Fakemed a ainsi salué une « victoire pour la science » mais a reproché à la ministre d'« esquiver » le sujet. Fakemed réclame une « décision claire et rapide allant dans le sens de l’avis de l’HAS ». L'association ne s'arrête pas là et demande que les produits homéopathiques ne soient plus considérés comme des médicaments. Elle souhaite aussi l'adoption d'une loi pour que « les décisions de santé publique ne soient dictées que par le fait scientifique et non par des intérêts privés et des manœuvres de lobbying grossières ».

De son côté, le collectif Monhoméomonchoix dénonce le manque « d’expérience de la HAS pour évaluer cette thérapeutique », l'absence « d’experts en homéopathie au sein de la commission », et des « irrégularités » dans la procédure. Monhoméomonchoix demande donc au gouvernement de ne pas suivre l'avis de la HAS et réclame un moratoire afin de « mettre en œuvre une évaluation, à partir des données du système national de santé, qui tienne compte de la spécificité de l’homéopathie à travers un partenariat public-privé » et « lancer un débat parlementaire et un débat public permettant de tenir compte de l’avis des Français ».

Enfin, les branches généralistes et MEP (médecine à exercice particulier) de la CSMF soulignent que « l'homéopathie ne se substitue pas aux autres thérapeutiques », qu'elle est prescrite quotidiennement par « 34 % des médecins généralistes » et que les « enquêtes d’opinion montrent que les Français y sont très majoritairement attachés ». Les deux branches appellent donc « à prendre en compte l’ensemble de ces éléments avant de prendre une décision qui pourrait avoir des conséquences importantes sur la santé des Français ». De son côté, le SML, qui défend la méthode complémentaire, observe que trois quarts des Français souhaitaient le maintien du remboursement de l’homéopathie. Le syndicat estime que la pétition signée par plus d'un million de personnes, devrait « inciter le gouvernement à regarder de près ce qu’expriment nos concitoyens ».


Source : lequotidiendumedecin.fr