Si " Le Généraliste " était paru en 1902

La peste à Dunkerque

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Publié le 20/07/2016
Histoire

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Le navire " City of Perth ", appartenant aux armateurs anglais, MM. G. Smith et fils, de Glasgow, est mouillé en rade de Dunkerque, deux cas de peste bubonique étant survenus à bord. Le " City of Perth " venait de Calcutta ; visite à Aden, à Suez et à Malte par les autorités sanitaires, il avait obtenu libre pratique. Le 6 et 7 juin, deux malades furent signalés à bord. Le directeur du service sanitaire, Le Cercle, ordonna au navire de mouiller en rade et le Dr Duriau, directeur de la santé, constata deux cas de peste bubonique. Les malades, malgré l'injection du sérum de Yersin, ne tardèrent pas à mourir. Des injections préventives de sérum ont été faites aux Européens ; Les matelots hindous ont d'abord refusé de se laisser inoculer invoquant un scrupule religieux et n'ont cédé qu'aux instances du Dr Deckmyn, jeune médecin de Dunkerque, qui a obtenu de rester à bord du navire pestiféré.

Les corps des pestiférés ont été transportés avec grande précaution au cimetière, où la fosse qui les a reçus a été recouverte de chaux vive. Quant au navire, on ignore encore s'il sera dirigé vers un port anglais ou vers le lazaret de Mindin.

Nous regrettons que, dans les cas analogues, on n'ait pas recours à l'incinération des corps ; devant un pareil danger public, les scrupules religieux ou sentimentaux devraient céder devant l'intérêt général. Aucune des précautions prises : arrosage à l'acide sulfurique, ensevelissement dans de la sciure phéniquée, chaux vive, n'offrent la garantie de l'incinération.

Les " Débats " du 19 juin donnent les renseignements complémentaires suivants : le Dr Deckmyn, qui avait été atteint, va bien. M. le Dr Duriau, qui a soigné les deux dernières victimes, a été fortement atteint. Son confrère, M. Breynaert, inquiet, a dû appeler M. le Dr Calmette, de Lille ; Le directeur de l'Institut Pasteur du Nord, quoiqu’indisposé, arrivât sans retard ainsi que le Dr Somers et ces sommités rassurèrent l'entourage du malade. Aujourd'hui, M. Durieux va mieux, mais les ganglions sont encore pris et la courbature n'a pas disparu.

Ajoutons que le "City of Perth " est encore sur rade en raison des difficultés que voici : en janvier 1898, il parut un décret désignant Le Havre, Saint-Nazaire, Pauliac, Marseille et Dunkerque pour recevoir les navires de provenance suspecte et notamment ceux venant des Indes où la peste sévissait avec intensité ; mais, après avoir désigné Dunkerque, on y oublia l'installation d'une station sanitaire suffisante, avec quai de quarantaine spécial. Fort de ce décret toujours en vigueur, les armateurs du " City of Perth " entendent laisser leur navire à Dunkerque ou actionner le gouvernement français en dommages-intérêts pour la perte de temps que leur bâtiment éprouvera en se dirigeant sur un autre lazaret. Des pourparlers diplomatiques sont, d'ailleurs, engagés pour trancher la question. En attendant, le steamer étant resté sous pression, il lui a fallu une nouvelle provision de soixante tonnes de charbon qui lui ont été apportées avec les plus grandes précautions par le chaland allège " Commerce ". On y a également embarqué des provisions fraîches et de nombreux paniers de champagne pour rendre le personnel plus résistant à la maladie. Les cargo-boats "Oeweld " et " Ville de Metz " sont arrivés de Bombay ce matin. Le docteur Ruyssen, remplaçant M. Duriau, les a visités en rade. Il y avait un malade à bord parmi les nombreux passagers allant au couronnement d'Édouard VII. Ajoutons que les ouvriers du port ont décidé de refuser le déchargement du " City " s'il rentrait dans les bassins.

( " Le Progrès médical ", 1902)


Source : lequotidiendumedecin.fr