Obésité

La tentation du médicament

Publié le 27/02/2015
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L’arrivée annoncée du Mysimba® relance le débat sur la place des médicaments anti-obésité. D’autant que plusieurs études publiées coup sur coup soulignent le poids de la génétique et de la biologie dans cette affection, confirmant que la lutte contre l’obésité va bien au-delà du credo « manger moins et bouger plus ». Mais les autorités sanitaires françaises restent méfiantes.

Crédit photo : SPL/PHANIE

Quelques années après le retrait de différentes molécules coupe-faim jugées inefficaces voire dangereuses, la piste médicamenteuse dans l’obésité revient dans le débat. Avec à la fois plusieurs molécules dans les starting-blocks (même si en France, l’ANSM reste très prudente), mais aussi de plus en en plus de données suggérant que l’obésité est un processus complexe que le simple « manger moins et bouger plus » risque fort d’avoir du mal à circonscrire.

Le poids de la biologie

Deux articles parus récemment dans la revue Nature confirment notamment que la génétique pèse lourd dans l’obésité avec un nombre considérable de gènes impliqués.

Dans un autre article paru au début du mois dans The Lancet Diabetes & Endocrinology, plusieurs experts américains soulignent, par ailleurs le poids de la biologie dans l’obésité. Selon ces auteurs, l’homme aurait développé au cours du temps des processus biologiques de protection de l’espèce lui permettant de faire face aux périodes de disette mais délétères en période d’abondance alimentaire. Avec, par exemple, lors de la perte de poids, une diminution de la dépense énergétique de l’organisme qui ralentit l’amaigrissement et peut participer à la reprise de poids ultérieure. « Ces adaptations pourraient être assez puissantes pour nuire à l'efficacité à long terme de la modification du mode de vie chez la plupart des personnes obèses, en particulier dans un environnement d’abondance qui favorise la surconsommation alimentaire », en déduisent les auteurs.

Dans ce contexte, « le conseil actuel de manger moins et faire plus d'exercice pourrait ne pas être plus efficace pour la plupart des personnes obèses qu’une recommandation préconisant d'éviter des objets pointus pour quelqu'un qui saignerait abondamment », ironise le Dr Christopher Ochner, principal auteur de l’article. Et de plaider pour un « large panel d'interventions médicales », incluant outre les interventions sur le mode de vie, des interventions « biologiques » via la pharmacothérapie ou encore la chirurgie.

Pour une approche multimodale

Faut-il pour autant tout miser sur ces approches ? « Le médicament n’est qu’un élément intéressant parmi d’autres dans la prise en charge, répond le Pr Jean-Michel Oppert, chef du service de Nutrition à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris). L’effet de l’Orlistat® est réel, bien que modeste avec 4-5 % de perte de poids comparé au placebo et sans effet secondaire systémique. Il est une aide supplémentaire dans une prise en charge de l’obésité multimodale, sur la durée, et où l’élément capital est le suivi. »

L’ANSM freine des quatre fers

De son côté l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM)est plutôt réticente et joue la carte de la prudence. En décembre 2014, l’agence tirait le signal d'alarme vis-à-vis de l'utilisation détournée du baclofène dans les troubles du comportement alimentaire et la perte pondérale. « Malgré des mécanismes d’action qui pourraient en théorie se révéler intéressants, notamment dans la boulimie, le baclofène n’est pas une pilule minceur et n’a pas été testé dans cette indication », insiste l’ANSM.

La donne est différente pour le Mysimba®. Déjà commercialisée aux États-Unis, cette association de naltrexone-bupropion a obtenu il y a deux mois un avis favorable de l’EMEA et pourrait bientôt devenir une nouvelle option thérapeutique pour les patients adultes souffrant d’obésité ou en surpoids avec au moins une comorbidité. Mais la France freine des quatre fers, l’ANSM ayant saisi le Comité des médicaments à usage humain (CHMP) pour un réexamen du dossier, arguant d’une efficacité discutable (puisque la perte de poids reste inférieure à 10 kg) alors que la sécurité du produit sur le système nerveux central, digestif et cardiovasculaire n'est pas garantie, avec un bénéfice/risque négatif.

D’autres options thérapeutiques pourraient venir jusqu’à nous, comme le liraglutide, un analogue du GLP-1 déjà utilisé dans le traitement du diabète de type 2 et autorisée en décembre par la FDA américaine dans l'indication « Obésité ».

La piste de la chirurgie

Quant à la chirurgie de l’obésité, elle semble être une option à considérer sérieusement, tant son efficacité est majeure sur le poids (perte d’environ 20 % du poids corporel avec 20 ans recul) et sur les comorbidités avec notamment 40 % de rémission du diabète de type 2. Par ailleurs, selon l’article du Lancet Diabetes & Endocrinology, le by-pass gastrique serait le seul traitement à même d’« inverser » les processus biologiques en cause dans l’obésité.

Hélène Joubert, redaction@legeneraliste.fr

Source : Le Généraliste: 2711