Si « Le Généraliste » était paru en mai 1781

Le miracle d’un enfant né sans connaissance et réanimé

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Publié le 13/05/2016
Histoire

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Messieurs de la « Gazette de santé », il y a deux mois ma femme était sur le lit de misère pour accoucher et éprouva une révolution si forte que l’accouchement ne put avoir lieu. L’enfant, par l’effet de cette révolution, se trouva dans une position telle que, pendant 18 jours, il ne fit aucun mouvement.

Au début du mois suivant, à 4 heures du soir, ma femme perdit les eaux et n’éprouva que peu d douleurs. J’envoyais promptement chercher madame la veuve Helie, maîtresse sage-femme, rue des Lavandières, qui ne put venir qu’à 10 heures. Le travail était commencé depuis 4 heures, mais avec des douleurs aussi légères qu’inconstantes. Elle examina la position de l’enfant, qui se trouva d’autant plus mauvaise qu’il ne donnait presque aucun signe de vie. Il était en travers, la tête à gauche, les pieds à droite, et présentait un bras.

Trente-trois heures s’écoulèrent dans des douleurs inexprimables. Voyant enfin que les forces s’épuisaient et qu’il y avait tout à craindre pour la mère, Madame Helie ne balança pas à mettre en usage les derniers secours de son art pour l’accoucher. Elle opéra avec tant d’agilité et d’adresse qu’elle parvint à mettre au monde une fille qui ne donna d’autre signe de vie qu’une faible agitation du bras gauche. Elle l’ondoya, lui souffla dans la bouche et s’occupa d’abord à porter des secours à la mère.

Quant à l’enfant, voici la méthode dont Madame Helie s’y prit pour le ranimer. Pour lors, il était sans sentiment et nous le regardions comme absolument mort. Elle le fit mettre dans un bain tiède rempli de liqueurs spiritueuses, et l’arrière-faix dans un vase plein des mêmes liqueurs. Ce vase fut mis sur un fourneau de braises ardentes. Dès que la liqueur qu’il contenait s’échauffa, l’enfant qui recevait cette chaleur par le cordon ombilical qui tenait encore à l’arrière-faix. L’enfant, de livide et inanimé qu’il était reprit peu à peu des couleurs et une existence sur laquelle on n’avait plus le moindre espoir.

C’est à cette opération bien simple, à la prudence et à l’habileté de Madame Helie que je dois la vie de ma femme et de mon enfant, et je crois ne pas pouvoir mieux faire que de m’empresser de rendre publique une opération qui ne peut devenir que très utile à l’humanité, et faire connaître le talent distingué de Madame Helie.

La mère est aujourd’hui aussi bien que le permet sa position et l’enfant se porte très bien.

J’ai l’honneur d’être, E. C. de B., avocat au Parlement.

(Courrier adressé à « La Gazette de Paris », 1781)


Source : lequotidiendumedecin.fr