« Le Monde » fait parler les chiffres du cancer

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Publié le 25/10/2016
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Crédit photo : SPL/PHANIE

« Cancer : les chiffres qui inquiètent ». C’est sous ce titre que le journal le Monde vient de publier son enquête inédite sur l’évolution des cancers en France depuis 1980. Si sur cette période, tout le monde s’accorde à reconnaître l’augmentation de l’incidence globale du cancer en France, la signification de cette hausse reste débattue. Les plus « optimistes » y voient un accroissement « mécanique » essentiellement porté par le vieillissement de la population et l’impact du dépistage. D’aucuns au contraire mettent en exergue le poids croissant de certains facteurs de risque comportementaux (tabac, alcool, sédentarité, etc.) tandis que d’autres encore pointent l’impact de l’environnement.

Pour tenter d’y voir plus clair le Monde s’est plongé dans les données d’incidence recueillies par les agences sanitaires françaises. Ces données ont été regroupées par type de cancer, par sexe, mais surtout par tranche d’âge. Cette présentation inédite jusque-là « fait apparaître des éléments inattendus » analysent les journalistes à l'origine de ce travail, avec notamment, « des hausses inattendues pour certaines tranches d’âge ».

Cancer du sein : des nuances qui questionnent

Pour le cancer du sein par exemple, tout âge confondu, on observe une forte augmentation jusqu’en 2005, puis un léger recul. Mais l’analyse des données par tranche d’âge nuance ce tableau. « Elle montre d’abord que l’incidence ne chute pas pour les femmes jeunes » souligne le Monde, avec pour les 30-39 ans, comme pour les 40-49 ans, une hausse continue d’environ 60 % par rapport à 1980.

Le dépistage individuel, fréquent à partir de 40 ans pourrait expliquer en partie cette tendance mais « de nombreux autres paramètres peuvent entrer en ligne de compte, comme le recul de l’allaitement et de l’âge à la première maternité, le surpoids, la sédentarité ou le tabac, indique au Monde le Dr Béatrice Fervers (Centre Léon Berard, Lyon). Des facteurs environnementaux et alimentaires entrent aussi en ligne de compte, sans qu’on puisse précisément estimer leur part dans l’évolution observée ». Le rôle des perturbateurs endocriniens a notamment été pointé du doigt mais reste controversé. « Si les perturbateurs endocriniens sont des facteurs de risque et que l’imprégnation augmente, on devrait assister à une hausse d’incidence dans toutes les classes d’âge », note ainsi le Dr Jérôme Viguier, directeur du pôle Santé publique et soins de l’Institut national du cancer (INCa),

Au contraire, chez les femmes de 50 à 59 ans, « la courbe d’incidence est marquée par une forte hausse jusqu’en 2002, suivie d’une décroissance spectaculaire, de plus de 25 % sur les dix années suivantes ». Alors que l’on aurait pu au contraire s’attendre à une hausse des cas recensés à partir de 2004, date de la mise en route du dépistage organisé du cancer du sein, c’est donc l’inverse qui est observé. « Cela suggère que l’effet des THM sur l’augmentation globale des cancers du sein a été important », analyse le Dr Suzette Delaloge, (chef du service de sénologie de l’Institut Gustave-Roussy), interrogée par journal le Monde.

Des hausses suspectes

Ce travail met aussi en évidence une hausse de l’incidence des cancers du pancréas, du foie, du rein, de la thyroïde ou du mélanome « qui croît continûment dans toutes les tranches d’âge et pour les deux sexes ». Des évolutions pouvant s’expliquer en partie par l’envol du dépistage et du surdiagnostic pour la prostate et la thyroïde, mais qui posent une fois encore la question de l’impact de l’environnement pour le cancer du pancréas et celui du testicule.

Au total ce travail vient donc bousculer la vision « officielle » des chiffres du cancer, suggérant notamment un impact de l’environnement plus fort qu’on ne veut bien le dire.


Source : lequotidiendumedecin.fr