Infectiologie

Le virus H7N9 est pris très au sérieux par les experts

Publié le 19/04/2013
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Transmis de la volaille à l’homme, le virus H7N9 occasionne une grippe potentiellement sévère mais sans contamination interhumaine jusqu’à présent.

Le spectre d’une grippe du poulet menace à nouveau. Au 17 avril, le virus H7N9 a contaminé 65 personnes, dont 16 sont décédées en Chine et il s’est propagé assez vite de Shanghai jusqu’à Pékin, soit à plus de 1 300 km. Ce nouveau virus a été rapidement démasqué par séquençage génétique. « Les Chinois ont été d’une réactivité exemplaire », a souligné le Dr Jean-Claude Manuguerra (Cellule d'Intervention Biologique

d'Urgence, Institut Pasteur, Paris), l’information ayant été diffusée dès le 12 avril dans le NEJM.

« Une combinaison inédite »

L’enquête virologique a montré que l’origine aviaire était confirmée puisque le virus H7N9 est le produit du réarrangement de deux virus aviaires, un H7N9 ancestral et six gènes du virus H9N2. Comme le souligne Jean-Claude Manuguerra, « c’est une combinaison inédite chez l’homme ». Tout l’enjeu vient de la possibilité d’une transmission interhumaine. « Il est difficile d’être prédictif », tempère le spécialiste en mentionnant les épisodes H5 et H1N1 moins pandémiques et plus imprévisibles que l’on croyait.

Mais ce qui inquiète les épidémiologistes sont les caractéristiques de H7N9 qui le rendent potentiellement menaçant. D’abord et surtout, le virus H7N9 est peu pathogène chez les volailles qui pourraient donc disséminer, à grande échelle, ce virus dans les populations d’oiseaux sauvages et domestiques sans que l’on s’en aperçoive. Pour le Dr Manuguerra, c’est « le danger que l’on ne voit pas » qui le distingue du H5N1 qui tue rapidement les volailles infectées. « Il va être difficile d’interrompre la chaîne, prédit-il. Et pour réduire la pression infectieuse, il faut soit vacciner soit agir sur l’interface entre l’homme et l’animal. » Des mutations ou un réassortiment avec un virus saisonnier humain dans l’hémisphère austral ou en zone intertropicale où sévit la grippe humaine pourrait ainsi mettre le feu aux poudres.

Ensuite, la séquence génétique indique que ces virus s’adaptent facilement aux mammifères. Une partie des composants du virus (Q226L) a une bonne aptitude à se lier aux récepteurs des mammifères. Le virus se multiplie facilement au niveau des voies aériennes supérieures. H7N9 a aussi une mutation en E627K de la protéine PB2 qui est un indicateur fort de l’adaptation du virus à l’homme. Pour aggraver son cas, le réservoir n’est pas uniquement aviaire mais pourrait aussi concerner les porcs. Mais, pour l’instant, la contamination a été de la volaille à l’homme et aucune transmission d’homme à homme n’a été rapportée. Cependant, les experts soulignent que plus le virus se transmet à l’homme plus les chances augmentent pour que le virus fasse un pas de plus pour acquérir les caractéristiques propices à la transmission interhumaine.

À surveiller « comme le lait sur le feu »

La découverte d’un nouveau virus implique que les laboratoires soient prêts à identifier cette nouvelle souche. La Chine en a mis un au point et, en France, un test spécifique H7N9 sera disponible en fin de semaine. « Nous ne sommes pas démunis, nous avons déjà des moyens pour l’identifier avec un test de PCR qui marche sur tous les virus A et un séquençage complémentaire court mais ce test sera plus simple et moins cher », affirme le Dr Manuguerra. « Pour l’instant nous n’avons eu aucune demande », s’est étonné le spécialiste. Quant à la présentation clinique, elle est très sérieuse avec pneumonie parfois compliquée de détresse respiratoire, choc septique, défaillance multiviscérale et rhabdomyolyse. Il y a aussi des points d’interrogation sur les antiviraux qui ne seraient peut-être pas aussi efficaces sur ces souches plus ou moins mutées. « Il y a une souche qui a un marqueur de résistance?», indique le Dr Manuguerra.

En ce qui concerne le vaccin, les précédents vaccins H7 n’étaient pas immunogènes mais plusieurs équipes travaillent sur un vaccin avec des adjuvants. L’OIE (l’OMS animal) se préoccupe aussi d’améliorer la détection des virus chez l’animal. L’avenir dira si l’on est face à une pandémie ou une zoonose ponctuelle. Prudente, la DGS a recommandé aux cliniciens, dès le 9 avril, la plus grande vigilance devant des signes respiratoires survenant chez des personnes dans les dix jours suivant leur retour de Chine.

Dr Muriel Gevrey

Source : lequotidiendumedecin.fr