Pharmocovigilance

Les gynécos vent debout après la charge de l'ANSM contre les progestatifs

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Publié le 16/03/2023
Quelques jours après la publication de recommandations de l'agence du médicament, visant à modérer l'usage des progestatifs, le Collège national des gynécologiques et obstétriciens français (CNGOF) et d'autres sociétés savantes émettent de vives critiques envers l'agence sanitaire.

Crédit photo : GARO/ PHANIE

Le 2 mars dernier, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié des recommandations préliminaires établies par le comité scientifique temporaire (CST) qui limitent l'usage des progestatifs, « estimant qu’un effet "classe"  des progestatifs sur le risque de méningiomes ne peut être exclu ». Par un communiqué, le CNGOF et de nombreuses autres sociétés savantes de la reproduction, de gynécologie médicale... ont sévèrement réprouvé cette décision : c'est « une grande première pour une agence sanitaire : le principe de précaution va-t-il remplacer la démonstration de la preuve ? ». Et le communiqué ajoute : « ces recommandations qui concernent tous les progestatifs actuellement remboursés ainsi que la progestérone naturelle, ne reposent à ce jour que sur quelques cas rapportés de méningiome en l’absence de toute étude scientifique ». Les gynécologues s'interrogent en particulier sur les conséquences de la médiatisation de ces recommandations préliminaires auprès du grand public et des patientes concernées.

Pour les gynécologues, les conclusions de cette évaluation sur le niveau de risque posent question sur différents sujets. Par exemple : mettre sur le même plan les progestatifs de synthèse et la progestérone naturelle est très discutable en termes d’activité et de pharmacocinétique. Ces sociétés savantes insistent encore sur le fait de tenir compte de la durée du traitement (ou de la dose cumulée des progestatifs), cette question non résolue à ce jour est pourtant fondamentale pour les cliniciens...

Par ailleurs, ces spécialistes rappellent que les progestatifs ont un rôle majeur dans la prévention du cancer de l’endomètre et dans le traitement des maladies bénignes gynécologiques. Et leur utilisation permet d'éviter un très grand nombre d’hystérectomies. 

Utilisations incontournables

Il est rappelé que les progestatifs sont aujourd'hui et depuis de nombreuses années, très largement prescrits en gynécologie de façon très diverse, et pour des « utilisations incontournables » : comme pour l'assistance à la procréation médicale, la prise en charge de la ménopause, ou d’un hypogonadisme hypogonadotrope ou d’une insuffisance ovarienne prématurée, le syndrome des ovaires polykystiques, etc.

Le CNGOF et les autres sociétés savantes craignent de laisser beaucoup de patientes sans ressource thérapeutique « si ce n’est d’augmenter la prévalence des hystérectomies et contribuer à altérer la qualité de vie des femmes alors que notre pays est depuis de nombreuses années celui au monde où le nombre d’hystérectomie et où l’incidence du cancer de l’endomètre sont les plus faibles. Va-t-il falloir les orienter vers des traitements dont la balance bénéfices-risques globale est moins favorable individuellement ou reste à démontrer ? »

S'appuyer sur la littérature scientifique

Ainsi, il est demandé au CST et à l'ANSM de revoir leur copie et de s'intéresser à « la littérature scientifique actuelle concernant les femmes ayant eu des enfants (dont le taux de progestérone est multiplié par un facteur 6 à 8 pendant leur grossesse) comparativement aux femmes nullipares. A cet égard l’étude de Jenny Pettersson-Segerlind publiée très récemment dans la prestigieuse revue du groupe Nature (Scientific reports 2021) ne montre aucune augmentation de risque de méningiome chez les femmes multipares comparativement aux femmes nullipares. »


Source : lequotidiendumedecin.fr