Santé publique

Maladie de Lyme, un plan plus politique que scientifique ?

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Publié le 07/10/2016
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Coup d'accélérateur sur la recherche, réévaluation des tests diagnostiques, révision des prises en charge et même création d'une éventuelle ALD. Le plan national de lutte contre la maladie de Lyme présenté la semaine dernière par la ministre de la Santé ratisse large pour répondre au mieux aux attentes des patients. Au risque de déborder la réalité médicale ?
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Crédit photo : JUERGEN BERGER/SPL/PHANIE

Revendications d’association de patients, pétitions de médecins, interventions de parlementaires ou, tout récemment, débat d’experts à l’Académie de médecine. Au cours de ces derniers mois, la maladie de Lyme et son éventuel sous-diagnostic ont fait couler beaucoup d’encre, avec de plus en plus de voix mettant en demeure les autorités sanitaires de réagir. Marisol Touraine a répondu à leurs attentes en présentant la semaine dernière aux associations de patients un « plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques ».

À travers cette initiative, la ministre de la Santé entend  « répondre aux interrogations émises notamment par les associations de patients et les professionnels, sur les formes multiples des maladies liées aux tiques, les difficultés liées au diagnostic et sur la prise en charge des formes tardives ».

Cinq axes stratégiques
En substance, le plan présenté propose 15 mesures déclinées autour de cinq axes stratégiques.

Les deux premiers axes visent à agir en amont, dans une optique de prévention, en améliorant d’une part la surveillance vectorielle et les mesures de lutte contre les tiques et en renforçant, d’autre part, l’information sur maladies liées aux tiques et leur surveillance épidémiologique.

Le troisième axe devrait s’attacher à « améliorer et uniformiser la prise en charge des malades pour mettre fin à l’errance médicale ». Dans cette optique, la Spilf (Société de Pathologie Infectieuse de Langue française) sera chargée d’élaborer en lien avec les autres sociétés savantes concernées, une liste des examens à mettre en œuvre chez toute personne présentant des symptômes suspects.

Le parcours de soins des patients devrait aussi être formalisé et uniformisé « afin d’assurer une prise en charge standardisée et remboursée des malades sur l’ensemble du territoire ». À ce titre la création d’une ALD est même évoquée, de même que l’ouverture en 2017 de centres spécialisés regroupant toutes les spécialités concernées.

La question de la qualité des tests diagnostiques actuellement disponibles en France n’a pas été oubliée avec tout un axe dédié à l’évaluation de leur performance et à l’amélioration de leur interprétation.

« L'heure est surtout à la recherche »
Enfin, dans un dernier axe stratégique, l’accent est mis sur la recherche. Pour améliorer les connaissances sur la maladie, une cohorte prospective de  patients consultant dans des centres de prise en charge spécialisés devrait être mise en place. Parallèlement, des travaux devraient aussi être menés sous l’égide de l’Institut Pasteur pour développer de nouveaux outils diagnostiques.

Le projet « OH! TICKS ! » devrait permettre, quant à lui, de mieux connaître l’ensemble des maladies transmises à l’homme par les tiques. L’idée sous-jacente étant que certains tableaux cliniques décrits par les patients et étiquetés « Lyme chroniques » pourraient être en fait liés à d’autres pathogènes.

Un coup d'accélérateur sur la recherche qui semble faire consensus au niveau scientifique. « Actuellement, nous avons très peu de données EBM sur la maladie de Lyme et l’heure est surtout à la recherche », souligne ainsi le Pr France Roblot, présidente de la Spilf.

Des mesures prématurées ?
À l’inverse d’autres mesures du plan semblent davantage en décalage avec la réalité médicale ou du moins anticipées.

Concernant, la prise en charge des patients, « Nous pouvons tout à fait formaliser les explorations des patients et optimiser leur parcours de soins, estime le Pr France Roblot. En revanche, il n’y a pas pour le moment d’arguments scientifiques qui justifient de modifier les prises en charge notamment thérapeutiques des patients. »  La volonté de faire de la maladie de Lyme une ALD semble aussi prématurée alors que pour le moment la définition et l’existence même des formes chroniques restent débattues au sein de la communauté médicale.

Enfin, concernant les tests diagnostiques, certains pointent sinon un faux problème du moins une certaine exagération. « Dans le VIH, le dépistage se fait par un test Elisa confirmé par un Western Blott et cela ne pose problème à personne », souligne le Pr Roblot. Et, pour la Spilf, « les tests ELISA utilisés en première intention pour le diagnostic de la borréliose de Lyme permettent de détecter plus de 90 % des patients au cours des formes tardives de la maladie ».

Alors, plus qu’une simple réponse à des questions scientifiques, le plan présenté le mardi 4 octobre serait-il aussi une réaction politique aux pressions des patients ?

 

Bénédicte Gatin

Source : lequotidiendumedecin.fr