Immunothérapie, inhibiteurs de kinases et de PARP en tête d’affiche

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Publié le 18/11/2019
L’immunothérapie ne cesse de marquer les esprits, suivie de très près cette année par les inhibiteurs de kinases cyclines dépendantes CDK4/6 et par les inhibiteurs de PARP. L’association de checkpoints inhibiteurs s’illustre dans le cancer du poumon de stade IV. Son intérêt ne se dément pas dans le mélanome métastatique avec un recul à 5 ans avec plus de 50% de survivants. L’immunothérapie fait également son entrée en néoadjuvant en association à la chimiothérapie avec des résultats positifs dans les cancers du sein triple négatifs. Quant aux petites molécules par voie orale, les inhibiteurs de CDK4/6, elles confirment leurs bénéfices en termes de survie globale en première ligne métastatique du cancer du sein RH+/HER2-. Les inhibiteurs de PARP font une entrée très remarquée dans le traitement du cancer de la prostate.
cancer

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pancreas

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sein

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CBNPC métastatique et inhibiteurs de chekpoint : l’union fait la force

L’efficacité sur la survie globale d’une double immunothérapie (étude CheckMate-227, abstract#LBA7128), association du nivolumab (anti-PD1) à une faible dose d’ipilimumab (anti-CTLA4), a été comparée à la chimiothérapie, en première ligne d’un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) avancé. « C’est la première étude qui démontre qu’une telle association prolonge la survie de patients atteints de CBNPC stade IV ou en rechute, naïfs de tout traitement, quel que soit le niveau d’expression de PDL-1 [PD-L1<1% (n=550) ou PD-L1>1% (n=1189)] : la médiane de survie globale est de 17,1 mois versus 14,9 mois (p=0,007) », a affirmé l’investigateur principal de l’étude CheckMate-227, Solange Peters (CHU Vaudois, Lausanne, Suisse). La survie sans progression, les taux de réponse objective et leur durée ont été meilleures dans les groupes nivo+ipi versus chimio. Aujourd’hui, plusieurs options thérapeutiques sont validées dans une telle situation clinique : un anti-PD1 associé à la chimiothérapie, un anti-PDL1 seul ou alors maintenant deux inhibiteurs de check-points permettant de repousser à plus tard l’option chimiothérapeutique. Face à un tel choix, « le développement d’algorithme est essentiel et un recul de 5 ans des données de survie pour chaque option thérapeutique est indispensable pour pouvoir guider ce choix. Il faut également comparer et tenir compte des données de toxicités qui sont très différentes entre l’immunothérapie et la chimiothérapie. L’utilisation d’une faible dose d’ipilimumab (1 mg toutes les 6 semaines) a permis de rendre l’association anti-PD1+anti-CTLA4 tolérable », a commenté l’expert. Pour le Dr Marina Chiara Garassino (Institut national du cancer, Milan, Italie), « la principale limite de cet essai, regrette-t-elle, est que le comparateur de cette étude ne correspond plus aux standards thérapeutiques aujourd’hui validés en première ligne de traitement d’un CBNPC métastatique, représentés par la chimio+anti-PD1 ou anti-PDL1 seul ».

A noter qu’une telle association thérapeutique, nivo+ipi, n’est pas inédite puisqu’elle a reçu un avis favorable du CHMP dans le cancer du rein à cellules claires avancé ou métastatique (CCRm) en première ligne de traitement (voir DS 317, automne 2019, page V). Cette association a l’AMM dans le traitement en première ligne des adultes atteints d'un mélanome avancé (non résécable ou métastatique) chez les patients ECOG 0 - 1, dont la tumeur est B-RAF non muté.

Mélanome et longs survivants, prouesses des associations d’immunothérapies

Un patient sur 2 atteint d’un mélanome métastatique traité par une double immunothérapie est en vie à 5 ans. C’est le principal résultat de l’analyse à 5 ans de l’essai de phase III CheckMate 067* (abstract#LBA68_PR). « C’est le plus long suivi jamais réalisé avec une association de checkpoint inhibiteurs », s’est félicité James Larkin (Royal Marsden NHS Foundation Trust, Londres, Royaume-Uni). Neuf cent quarante-cinq patients ont été randomisés dans cet essai qui comportait 3 bras de traitements : 1) nivolumab+ipilimumab; 2) nivolumab+placebo ou 3) ipilimumab + placebo. Ces traitements étaient administrés jusqu’à progression ou toxicité inacceptable chez des patients naïfs présentant des mélanomes métastatiques.

La survie globale était de 52% dans le bras nivo, +ipi, 44% dans le bras nivo et 26% dans le bras ipi. « C’est historique car c’est une amélioration majeure de la survie. Dix ans plus tôt, la survie à 5 ans dans le cas du mélanome était de 5%. Avec l’ipi seul, utilisé depuis dix ans, environ 20% des patients sont de longs survivants alors que les autres vivent de 6 à 8 mois », a-t-il ajouté.

Parmi les patients qui ont pu bénéficier de la double immunothérapie, 74% étaient sans traitement après 5 ans.  

Pour Teresa Amaral (Centre de dermato-oncologie, Tuebingen, Allemagne), « avec un suivi aussi long, nous pouvons affirmer que les anti-PD1 font partie des options thérapeutiques des mélanomes métastatiques en dépit du statut PDL1 ou de l’existence de mutation BRAF ».

 

Cancers gynécologiques

L’immunothérapie en néoadjuvant fait ses preuves dans le cancer du sein triple négatif

L’ajout du pembrolizumab, anti-PD1, à la chimiothérapie néoadjuvante (paclitaxel-carboplatine puis de cyclophosphamide-anthracycline), suivi du pembrolizumab en adjuvant en monothérapie, améliore l’évolution de cancer du sein triple négatif de stade précoce. C’est le résultat de l’étude de phase III, randomisée, en double aveugle, KEYNOTE-522 (abstract #LBA8_PR). Durant la phase néoadjuvante, le bras pembrolizumab+chimiothérapie (n=401) a amélioré de façon significative la réponse pathologique complète (pCR) versus le bras contrôle, chimiothérapie+placebo (n=201), 51,2% contre 64,8% respectivement (p=0,00055). La réponse complète était définie par l’absence de tissu cancéreux résiduel et d’envahissement ganglionnaire. Le bénéfice est observé quel que soit le niveau d’expression PDL1. Avec un suivi médian de 15,5 mois, le pembrolizumab tend à réduire le risque de progression pendant la phase néoadjuvante, et le risque de récidive pendant la phase adjuvante, de 37%, comparativement à la chimiothérapie+placebo.

La pCR est un facteur pronostique de rechute, elle est inversement corrélée au risque de recidive : plus elle est élevée, moins le risque est grand.

Le profil de tolérance était attendu et comparable à celui décrit dans les précédentes études cliniques. Le pembrolizumab associé à la chimiothérapie, a été désigné Breakthrough Therapy (BTD) par la FDA (Food and Drug Administration) pour le traitement néoadjuvant des patients atteints de cancer du sein triple négatifs à haut risque et de stade précoce.

 

L’intérêt des inhibiteurs de CDK4/6 en première ligne métastatique des cancers du sein RH+/HER2- est confirmé

Les résultats cliniques concernant la survie globale avec des inhibiteurs de CDK 4/6, l’abémaciclib dans l’étude Monarch 2 (abstract#LBA6_PR) et le ribociclib dans l’étude Monaleesa (abstract#LBA7_PR), en association avec le fulvestrant, ont été présentés à l’Esmo et confirment leur intérêt.

Monarch 2, étude pivotale de phase 3, a inclus des patientes atteintes d’un cancer du sein localement avancé ou métastatique RH+/HER2-, hormono-résistants. Elles ont été traitées en première et deuxième ligne au stade métastatique, sans tenir compte de leur statut ménopausique. L’analyse intermédiaire de survie globale publiée dans JAMA oncology** inclut 338 évènements (décès) sur les 441 requis pour l’analyse finale (soit 77% de maturité). Le suivi médian est de 47,7 mois. Dans la population ITT, la survie médiane est de 46,7 mois dans le bras abémaciclib plus fulvestrant versus 37,3 mois pour le bras placebo plus fulvestrant soit un gain en médiane de survie globale de 9,4 mois avec l’ajout de l’abémaciclib, associée à une réduction du risque de décès médian de 24% (p = 0,01).

Ces résultats de survie globale bénéficient à tous les sous-groupes de patientes du bras abémaciclib + fulvestrant, y compris les patientes hormono-résistantes primaires (gain médian de 7,2 mois (HR:0,686; IC95%:0,451-1,043) ou les patientes avec des métastases viscérales (gain médian de 8,1 mois (HR:0,675; IC95%:0,511-0,891). L’ajout de l’abémaciclib allonge significativement le délai avant lequel les patientes vont recevoir une chimiothérapie : 50,2 mois en médiane dans le groupe abémaciclib + fulvestrant vs 22,1 mois dans le bras contrôle (HR:0,625; IC95%:0,501-0,779, p<0.001). Le profil de tolérance reste cohérent avec celui observé lors de la première analyse de l’étude MONARCH 2.

« Par conséquent, il est très raisonnable de considérer l’association d'un inhibiteur de CDK4/6 et du fulvestrant comme standard thérapeutique de première ligne pour les patientes atteintes d'un cancer du sein métastatique », a indiqué George Sledge, université de médecine de Stanford, Etats-Unis).

Dans l'essai randomisé Monaleesa-3, l’association ribociclib et fulvestrant a été comparée au fulvestrant seul en première ou seconde ligne de traitement chez 725 patientes ménopausées. « Jusqu’ici, certains experts pensaient qu’il fallait traiter en premier par hormonothérapie seule et en cas de rechute, ajouter des agents comme les anti-CDK4/6. Les résultats de Monaleesa-3 montrent que si les patientes ménopausées reçoivent un anti-CDK4/6 dès le début, il y a un bénéfice très significatif en termes de survie globale », a expliqué Dennis Slamon (université de California, Los Angeles, Etats-Unis). En effet, après un suivi moyen de 39,4 mois, la médiane de survie globale était prolongée dans le bras ribociclib+fulvestrant versus placebo+ fulvestrant (non atteinte versus 40 mois, HR=0,724, IC95% :0,57-0,92, p=0,0045). La survie globale a été évaluée après la survenue de 275 événements (décès). Pour le sous-groupe de patientes recevant le traitement en première ligne, la médiane de survie globale n’était pas atteinte dans le groupe traitement actif versus 45,1 mois dans le bras placebo (HR=0,700, IC95% : 0,479-1,021) et dans le sous-groupe de deuxième ligne, après récidive précoce, la médiane de survie globale est de 40,2 vs 32,5 mois (HR, 0,730, IC95%: 0,530-1,004). Dans le sous-groupe de patientes traitées en première ligne, la médiane de survie sans progression était 33,6 dans le bras ribociclib+fulvestrant vs 19,2 mois (HR : 0.546 [95% CI, 0.415-0.718]) dans le bras placebo+fulvestrant ((HR : 0,546, IC95%: 0,415-0,718]) [problème de parenthèses, demander à Sylvie]. Le temps jusqu’à progression requérant une nouvelle ligne thérapeutique ou décès était plus long dans le groupe de patientes ayant bénéficié du ribociclib (médiane : 39,8 mois versus 29,4 mois (HR, 0.670 [95% CI, 0.542-0.830).

Monaleesa-3 est le seul essai portant sur un inhibiteur de CDK4/6 à inclure des patientes présentant une maladie sensible à l’hormonothérapie ainsi que celles présentant une maladie hormonorésistante. « C'est la première fois que nous constatons une amélioration de la survie globale avec l'association d'un inhibiteur de CDK4 / 6 et du fulvestrant en première ligne dans cette population », a affirmé le Dr Matteo Lambertini (hôpital San Martino, université de Gênes, Italie).

« Ces nouvelles données, Monarch-2 et Monaleesa-3, avec celles observées auparavant avec le palbociclib, renforcent l’idée selon laquelle, en situation métastatique, le traitement doit comporter un inhibiteur de CDK4/6 en sus d’une hormonothérapie parce que ces agents améliorent substantiellement l’évolution des patientes comparée à celle observée avec l’hormonothérapie seule », a commenté Nadia Harbeck (université de Munich, Allemagne).

En France, ces molécules, palbociclib, ribociclib et abémaciclib, ont déjà obtenu une AMM en première ligne métastatique basée sur les données de survie sans progression, ces résultats de survie globale ne vont pas changer les pratiques mais elles confirment l’intérêt de cette classe thérapeutique.

 

Cancer de la prostate métastatique résistant à la castration

L’étude de phase III PROfound (abstract#LBA12_PR) a inclus 387 hommes ayant un cancer de la prostate résistant à la castration métastatique (CPRCm), avec une mutation d’un des gènes de la voie de réparation par recombinaison homologue (HRRm), dont BRCA1/2, ATM et CDK12, et en échec à une nouvelle hormonothérapie (telle que l’abiratérone ou l’enzalutamide). Les patients recevaient soit de l’olaparib, soit un traitement au choix de l’investigateur (abiratérone ou enzalutamide). Chez les patients ayant une mutation BRCA1/2 ou ATM, les résultats ont montré une amélioration de la survie sans progression radiographique (SSPr, objectif principal) de près de 4 mois dans le bras olaparib (7,4 versus 3,6 mois ; p < 0,0001), soit une réduction du risque de progression de 66 %. Chez l’ensemble des patients (avec mutation BRCA1/2, ATM, CDK12 et des 11 autres gènes HRRm), la SSPr était également prolongée sous olaparib (5,8 versus 3,5 mois ; p < 0,0001), avec une réduction de 51 % du risque de progression. Les résultats de cette analyse intermédiaire montrent également une tendance favorable concernant l’amélioration de la survie globale sous olaparib chez les patients avec mutation BRCA1/2 et ATM (18,5 mois versus 15,1 mois ; p = 0,0173) ainsi que chez les patients HRRm (17,5 mois versus 14,3 mois ; p = 0,0063).

« Pour les hommes atteints d'un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration, la maladie reste très grave, en particulier chez ceux qui ont échoué à une nouvelle ligne de traitement hormonal. Cet essai est le seul essai de phase III positif avec un inhibiteur de PARP dans ce type de cancer. Ces résultats représentent le potentiel d'une nouvelle option de traitement ciblé par voie orale pour cette population de patients », a affirmé Karim Fizazi (oncologue médical à Gustave-Roussy).

*Larkin J, et al. Five-Year Survival with Combined Nivolumab and Ipilimumab in Advanced Melanoma. N Engl J Med 2019; 381:1535-1546.
**Sledge GW, Toi M, Neven P, et al. The effect of abemaciclib plus fulvestrant on overall survival in hormone receptor–positive, ERBB2-negative breast cancer that progressed on endocrine therapy—MONARCH 2: a randomized clinical trial. JAMA Oncol. Published online september 29, 2019.  
Lire sur www.decision-sante.com les études PAOLA-1, FLAURA et l’actualité sur les gènes NTRK (Neurotrophic Tyrosine Receptor Kinase) présentées à l’Esmo. 


Source : Décision Santé: 318