26,3 millions de tonnes équivalent CO2, c’est l’empreinte carbone des entreprises pharmaceutiques sur la chaîne de valeur, c’est-à-dire la production de médicaments ainsi que leur consommation sur le territoire, y compris ceux importés, selon une étude réalisée en 2022 par Les Entreprises du médicament (Leem).
En 2023, face à l’urgence climatique et en écho à l’invitation du Haut Conseil pour le climat à décupler les efforts de réduction des émissions de CO2, le syndicat patronal a lancé un plan de décarbonation qui devra être engagé par toutes les entreprises du secteur dès 2024. Les objectifs sont de réaliser d’ici à 2030 des baisses de 50 % sur les scope 1 et 2 (en prenant 2021 comme année de référence) et de 25 % sur le scope 3. L’enjeu est de taille. Le premier périmètre regroupe les émissions de gaz à effet de serre (GES) directement liées à la fabrication des produits, le scope 2 portant sur les émissions liées aux consommations d’énergie nécessaires. Quant au scope 3, il concerne les émissions qui ne sont pas liées directement à la fabrication mais à d’autres étapes du cycle de vie du produit (approvisionnement, transport, utilisation, fin de vie…).
L’accord signé au niveau de la branche de l’industrie pharmaceutique se veut ambitieux. « Nous sommes allés plus loin que l’initiative Science Based Targets (SBT) mondialement reconnue afin d’être en accord avec les accords de Paris en termes de trajectoire de décarbonation », souligne Julie Langevin, responsable RSE du Leem. L’initiative SBT fixait des objectifs de réduction des émissions pour les entreprises afin de limiter le réchauffement mondial à +1,5°.
Cartographie des bonnes pratiques
Pascal Le Guyader, directeur général adjoint du Leem, va plus loin. « Toutes nos entreprises vont devoir prendre conscience des émissions carbone qu’elles émettent, puis s’engager sur un plan d’actions afin de faire baisser leur taux. » Alors que les sociétés de moins de 500 salariés ne sont pas contraintes par la loi, le secteur pharma s’est employé à ce qu’elles soient quand même obligées soit de négocier un accord d’entreprise, soit de mettre en place une commission environnementale. Un outil de comptabilisation des gaz à effet de serre, CarbonEM, sert de référent à ces entreprises.
À ce stade, quatre thématiques ont été retenues dans l’accord : rémunérations, transports, restauration collective et achats responsables. Les entreprises bénéficient de formations dédiées mais aussi des exemples vertueux de celles qui sont en avance grâce à une cartographie des bonnes pratiques. Sur le volet rémunérations des dirigeants – qui bénéficient de parts variables – Pascal Le Guyader met en avant les incitations pour les managers. « L’exemple vient d’en haut. Si leurs bonus sont calculés en fonction de critères environnementaux, ils seront plus enclins à ce que leur entreprise prenne cette direction. » Quant au volet des achats responsables des médicaments, la loi climat et résilience obligera les centrales d’achats hospitalières à respecter des critères environnementaux à partir de 2026.
Ecoscore des dispositifs médicaux
Le Leem n’est pas le seul à se mobiliser dans l’écosystème des produits de santé. Du côté des dispositifs médicaux, le Syndicat national des industries des technologies médicales (Snitem) et le Comité pour le développement durable en santé (C2DS) ont prévu de lancer un « écoscore » pour acheter des dispositifs médicaux (DM) de façon plus responsable. Il est fondé sur des indicateurs et un scoring d’achat sur la décarbonation, la santé environnementale et la qualité de vie au travail destinés aux acheteurs. Un premier outil opérationnel ouvert à tous et gratuit sera finalisé en juin 2024 pour leurs adhérents. Les quelque 900 établissements sanitaires et médico-sociaux pour le C2DS, et les 600 entreprises du DM pour le Snitem sont visés.
Nous avons à la fois un devoir d’agir mais, plus important, un pouvoir d’agir
Anne Laure Dreno, présidente d’AstraZeneca France
Les impératifs liés à la transition écologique et la décarbonation doivent se concrétiser à tous les étages du secteur. « Nous avons à la fois un devoir d’agir mais, plus important, un pouvoir d’agir », assure Anne Laure Dreno, présidente d’AstraZeneca France. Parmi les actions engagées par la firme pharmaceutique, « l’utilisation majoritaire d’énergies renouvelables dans le processus de fabrication des médicaments [remplacement du gaz propulseur des inhalateurs par un gaz à faible émission carbone] ainsi que la mise en place de mesures d’impact pour mesurer nos progrès ». Même ambition affichée du côté des industriels du dispositif médical. « Même si notre priorité reste la sécurité des produits et donc des patients, nous attachons beaucoup d’importance à la dimension environnementale et la question de la durabilité de nos produits », garantit Céline Dujardin, DG de Medtronic France.
En France, le secteur de la santé serait à l’origine de l’émission de près de 50 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an, soit près de 8 % du total national des émissions de gaz à effet de serre. Dans ce tableau, la production et l’achat de médicaments représentent le plus gros poste d’émissions (33 % du secteur de la santé), devant l’achat de DM (21 %).
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