Tribune de Gérard Bapt

Levothyrox, quand Merck défendait l’absence de problème de bioéquivalence et de stabilité devant la FDA

Publié le 24/05/2018
Levothyrox

Levothyrox
Crédit photo : Phanie

visuel Bapt

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Crédit photo : Aurelien Morissard

Le transfert généralisé obligatoire du Levothyrox « ancienne formule » (AF) vers sa nouvelle formulation, « générique-like », (NF) décidé en mars 2017 par l’ANSM et le laboratoire Merck a déclenché une crise sanitaire sans précédent par son ampleur. Des centaines de milliers de patients ont été affectés, plus ou moins gravement, et ont subi des mois durant un vide d’accompagnement sinon d’empathie, avant de connaitre la cause de leurs souffrances, révélée par la presse. Ils ont alors cherché, d’abord à l’étranger, une autre levothyroxine de synthèse que celle qui était en situation de monopole en France. Pourquoi le laboratoire et l’Agence du médicament ont-ils pris ces risques, si prévisibles au regard du passé récent, notamment l’échec de l’introduction de génériques en 2009-2010 en France même ?

Le laboratoire, l’agence et le ministère, les leaders d’opinion médicaux répètent à l’envie que le Levothyrox NF, avec les excipients mannitol et acide citrique, est meilleur que le Levothyrox AF, avec lactose, à la fois par la biodisponibilité des comprimés et leur stabilité dans le temps.

Qu’en est-il des données fournies par le laboratoire Merck lui-même ?

En 2005, sa filiale américaine, Genpharm, présentait devant la FDA (Food and Drug Adminsitration), gendarme US du médicament, les résultats de son étude sur la levothyroxine sodique commercialisée sous le nom de Novothyrox, mais fabriquée en Allemagne. Seule la couleur des comprimés avait changé. Cette étude montrait que le Novothyrox respectait la norme de biodisponibilité de 95/100 % de principe actif, et que sa stabilité était assurée sur 24 mois (1). En 2014 Merck France a financé une étude de bioéquivalence pour son dossier de mise sur le marché d’une nouvelle formulation du Levothyrox, passant de l’excipient lactose au mannitol. Cette étude nous apprend que dès 2011 le laboratoire commence à travailler sur une nouvelle formulation. Le test réalisé entre juin et août 2014 a comparé la biodisponibilité de comprimés produits en juin 2013 pour la nouvelle formulation et en mars 2013, soit 18 mois auparavant pour l’ancienne. L’étude conclut formellement à une bioéquivalence (2). Il n’y avait donc, au moins pour dix-huit mois, aucun problème de stabilité pour le Levothyrox AF, c’est-à-dire l’Euthyrox, toujours disponible en Europe et dans le Monde.

C’est pourtant sur des conditions de bioéquivalence et de stabilité, déjà respectées, que l’agence du médicament demande, en février 2012, un produit nouveau, sur lequel travaille Merck depuis … 2011.

Nul dans les institutions sanitaires ou politiques ne se pose de question sur les véritables raisons ayant conduit au transfert aventureux de mars 2017. C’est pourtant l’intérêt commercial de la firme et de ses investissements en Chine qui a primé sur l’intérêt des patients.

(1) Merck generics, P.J.
(2) Etude de biéquivalence Levothyrox Merck-APN, 2881

Dr Gérard Bapt, député honoraire et président de la Mission d’information pour le Mediator

Source : lequotidiendumedecin.fr