L’IA et la robotique au service des candidats médicaments

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Publié le 26/01/2024
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Iktos souhaite diviser par deux le temps de développement des molécules grâce à l'intelligence artificielle. La société a commencé à développer son propre portefeuille de médicaments grâce à un nouveau robot de chimie.

Le robot de la société Iktos

Le robot de la société Iktos
Crédit photo : ARNAUD JANIN

La découverte de nouveaux médicaments est un parcours d’obstacles. Il faut tout d’abord identifier, à partir de données collectées sur des patients malades, des cibles thérapeutiques nouvelles. Puis repérer les molécules capables d’agir sur ces cibles et d’avoir un effet thérapeutique : c’est ce qu’on appelle des candidats médicaments. Cela prend en moyenne cinq ans. Ensuite, il faudra encore en passer par les phases préclinique, clinique, et la mise sur le marché.

Iktos apporte sa brique à ce processus : la société vise à accélérer la découverte des candidats médicaments grâce à l’intelligence artificielle. Si ses 60 salariés travaillent essentiellement en France, cinq personnes sont aux États-Unis et une petite équipe s’étoffe au Japon. En juillet 2023, Iktos a noué un partenariat avec le laboratoire pharmaceutique japonais Kissei Pharmaceutical, spécialisé dans l’urologie et la dialyse rénale. Il s’agit à ce jour du quatrième contrat de ce type signé par la société française sur l’archipel nippon.

« On fait du ChatGPT depuis 2016 »

« Notre projet est de diviser par deux la durée de la recherche », assure Quentin Perron, cofondateur de la plateforme Iktos. On fait du ChatGPT depuis 2016. Nous avons acheté des cartes graphiques et généré des molécules via l’intelligence artificielle (IA) générative. » La partie IA fonctionne grâce à trois technologies : d’abord, l’IA générative Makya, un logiciel d’optimisation moléculaire qui imagine de nouvelles molécules à partir de modèles prédictifs. Ensuite, Spaya, IA de rétrosynthèse qui, en s’inspirant de la littérature existante, crée des « recettes » pour fabriquer les molécules sélectionnées. Enfin, Ilaka, un logiciel d’optimisation qui utilise les voies de synthèse trouvées par Spaya pour piloter automatiquement la synthèse des molécules sur un robot.

Ce dernier, de la marque Chemspeed, est capable de réaliser automatiquement et en parallèle une centaine de réactions chimiques typiques d’un laboratoire de chimie organique classique. Il a été installé il y a six mois et testé pendant trois mois. Il est désormais pleinement opérationnel. Pendant cette phase de mise en route, Iktos a généré 500 réactions , et compte accélérer le processus pour parvenir, début 2024, à une centaine de réactions par jour. Iktos fait partie de ces sociétés, comme Insilico Medicine et Exscientia, qui se sont positionnées sur le créneau des petites molécules. Elle a signé des contrats avec des laboratoires pharma comme Servier en 2018, Janssen en 2019 ou encore Pfizer en 2020. Avec sa technologie IA, elle apporte à ses clients son expertise dans le traitement de la donnée et la conception de molécules à toutes les étapes de la recherche.

Brevets bientôt déposés

Pourquoi, alors, acquérir son propre laboratoire de chimie ? Le but pour Iktos est d’accélérer encore le processus, et de développer son propre portefeuille (ou pipeline). « Nous allons bientôt déposer des brevets sur nos molécules », complète Yann Gaston-Mathé, le CEO. « Nous arrivons à trouver de nouvelles molécules là où les méthodes classiques échouent. » Trois chimistes sont à l’œuvre au sein du pôle installé à Villebon-sur-Yvette (91). Leur nombre est moindre que dans un laboratoire classique mais le robot effectue des tâches automatiques à leur place, ce qui leur permet de se concentrer sur des activités à meilleure valeur ajoutée. La machine ne viendra pas remplacer l’humain, mais complète son travail, assure l’un des fondateurs.

Au final, Iktos, qui a généré un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros en 2022 et annoncé une levée de fonds de 15,5 millions d'euros en 2023, possède un portefeuille de clients substantiel (dix sur Makya, six sur Spaya et six collaborations actives). Selon ses fondateurs, l’application de l’IA à la recherche préclinique ouvre la perspective de changements radicaux pour l’industrie pharma comme les biotechs.

Arnaud Janin

Source : Le Quotidien du Médecin