Liens d’intérêts : les contrats de recherche, un « lien légitime et nécessaire » pour les industriels

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Publié le 05/03/2024
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Grégoire Moutel, président du Codeem

Grégoire Moutel, président du Codeem
Crédit photo : GARO/PHANIE

À l’occasion de la publication d’une analyse de la base Transparence-santé entre 2017 et 2022, les entreprises du médicament (le Leem), par l’entremise de leur comité d’éthique et de déontologie (Codeem), font le point sur les trois types de liens d’intérêt que la loi oblige à déclarer : les conventions, c’est-à-dire les contrats de collaboration (participation à un congrès, activités de recherche et de formation) liant une entreprise à un professionnel, avec leur objet précis, la date, le bénéficiaire direct et final et le montant ; les rémunérations dont le montant est supérieur ou égal à 10 euros ; les avantages d’une valeur égale ou supérieure à 10 euros.

Neuf avantages sur dix à moins de 500 euros

Dans le détail, la base Transparence-santé est issue de la loi Bertrand du 29 décembre 2011 et, quelques années plus tard, du « sunshine act » . Cette plateforme rend accessible l’ensemble des liens d’intérêt entre les industriels et les professionnels de santé, étudiants, hôpitaux, sociétés de conseil et entreprises de presse. Ce sont les entreprises qui sont chargées de rendre publiques les données tous les six mois.

Tout d’abord, le Codeem constate que les avantages représentent pour 90 % d’entre eux une somme inférieure à 499 euros.

Ensuite, plus de 80 % des rémunérations ne dépassent pas les 9 999 euros. Mais, constate le comité, le poids des rémunérations versées par les laboratoires représentent 89 % du total, tout secteur d’activités confondus.

Concernant les conventions, l’industrie pharmaceutique représente 77,40 % du total reçus par les acteurs de la santé.

Le Codeem s’est attaché à tracer une évolution sur la période 2017-2022. Les rémunérations se stabilisent, ce qui n’était pas le cas dans les années précédentes. « Par rapport au tout début de la mise en place de la base Transparence-santé, on peut avoir l’impression d’une inflation. Mais il y a eu un phénomène de rattrapage : toutes les entreprises se sont mises en boulot », précise le Pr Grégoire Moutel, président du Codeem et professeur de médecine légale et droit de la santé en Normandie.

Les contrats de recherche, premier poste de rémunération

Sur toute la période, 57 % des rémunérations ont profité aux académies, fondations, sociétés savantes et organismes de conseil. Viennent ensuite les établissements de santé, la presse et les médias, les associations de professionnels, puis les personnes morales assurant la formation initiale. Les professionnels de santé individuels n’arrivent qu’après ces bénéficiaires.

Les contrats de recherche scientifique représentent à eux seuls le premier foyer de dépense de la première catégorie (académies, etc.) avec 638,25 millions d’euros.

Ces contrats pour les établissements de santé sont aussi leur première source de rémunération (836,7 millions d’euros). Les hôpitaux bénéficient d’une croissance régulière de leur rémunération, passant même de 158,7 millions versés en 2021 à 277,4 millions d’euros en 2022.

Les associations de professionnels de santé privilégient aussi le contrat de recherche scientifique (pour 64,8 millions d’euros). Enfin, pour les professionnels de santé en solo, 72 % de leurs rémunérations portent sur les contrats d’experts scientifiques, les contrats d’intervenants pour une manifestation et les contrats de recherche scientifique.

Pour les industriels, la rémunération via un contrat de recherche constitue « non seulement d’un lien légitime, mais nécessaire, allant dans le sens de l’innovation et du progrès scientifique ».

Pour les hôpitaux, une rémunération moyenne de 11 360 euros en cinq ans

Quel est le montant moyen d’une rémunération ? Pour la catégorie académies, elle est de 21 000 euros en moyenne sur toute la période 2017-2022. Pour les établissements de santé, la rémunération est en moyenne de 11 360 euros. Le Codeem ne rentre pas davantage dans le détail.

Le Codeem a identifié plusieurs points d’amélioration dans la saisie des données. L’un d’entre eux concerne l’absence de nom du bénéficiaire ou de son identifiant, relevé dans 14 % des déclarations à l’intention des professionnels de santé entre 2019 et 2021.

Partant du constat qu’un même avantage peut se retrouver dans plusieurs libellés (repas, déjeuner, dîner), ce qui « contribue fortement à un manque de lisibilité et de clarté de la base », l’organe de déontologie souhaite que soient bien distinguées les sommes relevant des avantages de celles relevant des rémunérations. Une autre recommandation suggère de ne pas agréger les montants des avantages. Par exemple, si deux repas sont octroyés avec un montant identique, celui-ci devra être indiqué deux fois.

Autre problème : trop d’objets de conventions liées à une rémunération ne sont toujours pas correctement renseignés. En cinq ans, 58 000 conventions incomplètes (sur un total de 3,2 millions) représentent tout de même 923 millions d’euros sur un total de 5, 6 milliards d’euros versées à l’ensemble des acteurs de santé.

Les sanctions sont tellement rédhibitoires que personne ne joue avec le feu

Grégoire Moutel, président du Codeem

Enfin, y a-t-il un risque de sous-déclaration ? « Les sanctions sont tellement rédhibitoires et l’investissement consacré au secteur est tellement important en matière de ressources humaines que personne ne joue avec le feu, », témoigne le président du Codeem. Ces contrôles touchent aussi les conseils des ordres et les structures en charge du cumul d’activité des praticiens hospitaliers et des professeurs de médecine. « Personne ne prend le risque de ne plus déclarer. Le principe de transparence est rentré dans la culture générale. Et les entreprises jouent aussi leur réputation », conclut-il.


Source : lequotidiendumedecin.fr