Médicaments cardiovasculaires : des experts suggèrent une posologie différente selon le sexe

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Publié le 15/06/2017
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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Des posologies spécifiques selon le sexe seraient nécessaires afin de réduire les évènements indésirables auxquels sont plus souvent confrontées les femmes, suggère un article de la société européenne de cardiologie publié aujourd’hui dans the European heart Journal – Cardiovascular Pharmacotherapy.

« Les maladies cardiovasculaires tuent plus de femmes que d’hommes en Europe. En fait, elles tuent deux fois plus de femmes que tous les cancers combinés », s’alarme le Dr Juan Tamargo, auteur principal de l’article et directeur du groupe de recherche de pharmacologie cardiovasculaire à l’université Complutense de Madrid. En outre, « les femmes souffrent davantage d’effets secondaires via les dosages actuels et peuvent arrêter leur traitement préventif, les laissant sans protection malgré leur surrisque », poursuit-il.

Des disparités importantes selon le sexe

De manière générale, les femmes et les hommes n’absorbent, ne distribuent et n’excrètent pas les médicaments de la même façon. La gent féminine court un plus grand risque d’être touchée par des pathologies cardiovasculaires car son espérance de vie est plus élevée. Pourtant, la plupart des recommandations concernant le bon usage des médicaments reposent sur des essais cliniques menés sur des hommes d’âges mûrs. D’ailleurs, les femmes reçoivent moins souvent de traitements préventifs et, lorsque c'est le cas, elles sont traitées de manière moins agressive que leurs homologues masculins. « Les médecins hommes ont tendance à moins prescrire les traitements recommandés à leurs patientes. Certains d’entre eux pensent que les maladies cardiovasculaires ne sont pas un vrai problème pour elles car elles sont protégées par leurs hormones sexuelles. Ils omettent que cette protection disparaît avec l’âge et que les femmes vivent plus longtemps que les hommes », soulignent le chercheur.

Mais, fait important, les femmes sont surtout plus souvent victimes d’effets secondaires liés à ces médications. L’incidence des évènements indésirables est en effet 1,5 à 1,7 fois supérieure chez elles par rapport à leurs homologues masculins et ils tendent également à être plus sérieux, au point de nécessiter parfois des admissions à l’hôpital. Les femmes ont notamment un risque plus important de torsades de pointes induites par les médicaments et de saignements sévères. « Les femmes sont plus touchées par des effets secondaires, car on préconise la même dose pour beaucoup de médicaments, et ce, quel que soit le poids. Ce qui peut entraîner une concentration plasmatique plus élevée et des overdoses chez les femmes », explique le scientifique.

Pas les mêmes organismes, pas les mêmes effets

De plus, on constate des différences de pharmacocinétique (c’est-à-dire la façon dont la substance est absorbée, distribuée et excrétée) et de pharmacodynamique (la relation entre l’effet fourni par la molécule et sa concentration sur le site d’action). Par exemple, au niveau de la cinétique, la concentration d’aspirine plasmatique est plus faible chez les hommes, c’est probablement dû à une activité enzymatique moindre chez les femmes. Étrangement, cette différence disparaît lors d’une grossesse ou avec l’absorption de contraceptifs oraux. Malgré ces observations, « des recommandations de posologie différentielle selon le sexe ne figurent pas sur les étiquettes, même pour les traitements qui présentent une différence dans la pharmacocinétique de 40 % entre les hommes et les femmes », argue le Dr Tamargo. De même, au niveau de la pharmacodynamique, si on reprend l’exemple de l’aspirine, elle a un effet protecteur plus important chez les femmes contre l’AVC mais protège mieux les hommes contre l’infarctus. Enfin, les femmes sont plus fréquemment résistantes à l’aspirine.

C’est pourquoi, les auteurs de l’article préconisent de développer des lignes directives pour mieux traiter les pathologies cardiovasculaires et ainsi varier les posologies en fonction du sexe. D’autre part, il serait nécessaire d’inclure des femmes dans les essais cliniques et d’éduquer les praticiens sur l’impact hétérogène des traitements sur les hommes et les femmes.


Source : lequotidiendumedecin.fr