Mici et grossesse : des résultats rassurants pour le védolizumab et l'ustékinumab

Par
Publié le 16/01/2024
Article réservé aux abonnés
Image d’illustration.

Image d’illustration.
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Le groupement d’intérêt scientifique Epi-Phare s’est penché sur les conséquences de l'exposition prénatale au védolizumab et à l'ustékinumab, deux anticorps monoclonaux prescrits dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici) . Les résultats de cette étude ont été publiés le 8 janvier 2024 dans la revue Clinical Gastroenterology and Hepatology.

Lorsque les anti-TNF ne fonctionnent pas dans les formes modérées à sévères de Mici, le védolizumab ou l'ustékinumab peuvent être prescrits, mais leurs effets sur les femmes enceintes n’avaient fait l’objet jusque-là que d’études de petite taille, ne comportant pas plus d’une dizaine de patientes.

Les données sur l’utilisation des biothérapies pendant la grossesse deviennent plus conséquentes et les résultats sont rassurants. En novembre dernier, la Dr Anna Molto, praticienne hospitalière à l’hôpital Cochin (AP-HP), présentait dans le Quotidien les résultats de sa dernière étude sur la poursuite d’un traitement anti-TNF chez les femmes enceintes, montrant l'innocuité de cet immunosuppresseur pendant la grossesse.

Ici, en se basant sur les données nationales du registre Epi-Meres, les membres d’Epi-Phare ont comparé l’ensemble des grossesses exposées au védolizumab (398 femmes) et l’ensemble des grossesses exposées à l’ustékinumab (464 femmes) à plus de 1 500 grossesses exposées aux anti-TNF, entre 2014 et 2021. « C’est de loin la plus grosse étude publiée sur ces deux médicaments. Ce sont les premières données fiables sur leur utilisation au cours de la grossesse », se réjouit l’un des co-auteurs de l’étude, le Dr Antoine Meyer, maître de conférences des universités - praticien hospitalier au service de gastroentérologie au CHU de Bicêtre (AP-HP).

« Par rapport aux anti-TNF, ni le védolizumab ni l’ustékinumab n’ont été associés à des risques accrus de césarienne, de mortinatalité, d’accouchement prématuré, d’infections graves, de tumeurs malignes ou d’anomalies congénitales chez les enfants », souligne l’étude.

Lorsque la maladie est active, le védolizumab est à éviter

Toutefois, les femmes exposées à l'ustékinumab présentaient un risque accru d'accouchement de petite taille pour l’âge gestationnel, qui pourrait s'expliquer par l'inhibition de l'expression de l'interleukine 12 et de l'interleukine 23, « qui ont toutes les deux un rôle dans la formation du trophoblaste et du placenta », précise le Dr Antoine Meyer. Il est également possible que, chez une partie de la population étudiée sous ustékinumab, « la maladie ne soit pas assez bien contrôlée et que cette part de petit poids gestationnel soit expliquée par l’activité de la maladie et non par la prise des médicaments. Nous ne sommes pas en mesure de trancher. Cela dit, le risque relatif, même s’il est significatif, reste très faible (proche de 1 en valeur absolue, NDLR) », ajoute le spécialiste.

Le védolizumab, quant à lui, n’est pas associé à un surrisque pendant la grossesse chez les patientes qui ont une maladie inactive. « En revanche, pour celles qui ont une maladie active, alors là… beaucoup plus !, souligne le Dr Meyer. Les risques relatifs sont compris entre 3 et 4, ce qui est, en valeur absolue, franchement important. Soit, le védolizumab n’est pas assez puissant pour contrôler la maladie et donc, il y a plus de complications dues à son activité. Soit, il existe un lien qu’on ne comprendrait pas, entre le védolizumab et l’activité de maladie, qui entraîne plus de complications. On ne peut pas l’exclure. »

Sachant ce résultat, les co-auteurs ont longtemps discuté pour conclure que le plus important est l’innocuité du médicament quand la maladie est contrôlée et qu’il était donc sûr d’emploi. « Mais il faut garder en tête que si la maladie n’est pas bien contrôlée, le védolizumab n’est pas conseillé », nuance le médecin.

« Dans l’ensemble, la sécurité du védolizumab et de l’ustékinumab par rapport à l’utilisation des anti-TNF pendant la grossesse est rassurante », conclut l’étude, précisant néanmoins que d’autres travaux sur des populations plus importantes et un suivi plus long seront nécessaires pour confirmer le profil de sécurité de ces deux médicaments.

Prescription aux femmes enceintes : des recommandations plutôt vagues

Les maladies inflammatoires sont un facteur de risque de grossesse compliquée. En effet, l’activité inflammatoire peut nuire au bon déroulement de la grossesse et augmente le risque d’accouchement prématuré, de petit poids de naissance et de mort fœtale, ce qui souligne l’importance pour les femmes enceintes de pouvoir continuer leur traitement. Concernant l’utilisation du védolizumab et de l'ustékinumab durant la grossesse, les recommandations européennes de 2023 sont plutôt vagues. « En pratique, nous n’avons pas le choix, rapporte le Dr Antoine Meyer. Arrêter ces médicaments peut entraîner une poussée de la maladie qui est elle-même délétère pendant la grossesse et nous n’avons pas d’alternative à leur proposer puisque les anti-TNF n’ont pas fonctionné chez ces femmes. »


Source : lequotidiendumedecin.fr