Antidiabétiques

Ozempic : en France, le mésusage pourrait concerner un patient sur 100

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Publié le 01/03/2023
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Si le phénomène semble beaucoup plus limité qu'aux États-Unis, des données de vente et de remboursement suggèrent qu'en France aussi, l'antidiabétique Ozempic pourrait faire l'objet d'une utilisation détournée dans une optique de perte de poids. La Cnam et l’ANSM rappellent que cet analogue du GLP-1 ne doit être prescrit que dans le diabète de type 2 insuffisamment contrôlé.

Crédit photo : adobe stock.com

Depuis fin 2022, plusieurs voix se sont fait l’écho d’une utilisation « sauvage » de l’antidiabétique Ozempic (sémaglutide, laboratoire Novo Nordisk) dans une optique d'amaigrissement, chez des sujets non diabétiques. Très en vogue sur les réseaux sociaux, ce détournement a été particulièrement pointé du doigt aux États-Unis. Mais la France ne semble pas échapper complètement au phénomène, comme en témoignent les données de surveillance diffusées ce 1er mars par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l’Assurance maladie dans un communiqué commun.

Une surveillance renforcée

Suite aux premières remontées de terrain suggérant un mésusage, l’ANSM et la Cnam ont mis en place une surveillance active de l’utilisation d’Ozempic reposant à la fois sur le suivi des données de ventes et de remboursements issues du système national des données de santé (SNDS) et sur les signalements d’usage non conforme et d’effets indésirables adressés aux centres régionaux de pharmacovigilance.

À ce stade, « les données de ventes suivies par l’ANSM augmentent de façon progressive depuis la commercialisation d’Ozempic en avril 2019, ce qui est cohérent avec la progression des ventes habituellement observée à la suite de l’arrivée sur le marché d'un nouveau médicament », rassure le communiqué.

Près de 2 000 bénéficiaires potentiellement non diabétiques

Cependant, d’après les données du SNDS, pour la période du 1er octobre 2021 au 30 septembre 2022, sur les 215 000 patients ayant bénéficié de la spécialité Ozempic, « 2 185 peuvent être considérés comme non diabétiques », chiffrent les estimations de l’Assurance maladie. Ainsi, « sur la base des seules données de remboursement, le mésusage potentiel pour la spécialité Ozempic est estimé à environ 1 % », résume le communiqué.

Dans ce contexte, et bien qu’à ce jour, « les détournements semblent limités et qu’aucun signal de sécurité n’a été identifié », la Cnam et l’ANSM rappellent qu’ « Ozempic doit être prescrit uniquement dans le diabète de type 2 insuffisamment contrôlé, conformément à son autorisation de mise sur le marché (AMM) ». Les autorités sanitaires invitent également les pharmaciens à être « particulièrement vigilants » lors de la délivrance d’Ozempic afin de « détecter d’éventuelles ordonnances falsifiées et les prescriptions hors AMM ».

Des risques d'effets secondaires et de tensions d'approvisionnements

Non seulement « ce médicament peut entraîner des effets indésirables potentiellement graves, tels que troubles gastro-intestinaux, pancréatites ou hypoglycémies », souligne le communiqué. Mais de plus, son détournement dans un objectif de perte de poids « a un impact direct sur sa disponibilité pour les patients diabétiques et peut causer, ou accentuer, des tensions d’approvisionnement les privant de ce traitement essentiel ».

En septembre 2022, l’ANSM avait en effet rapporté des tensions d’approvisionnement, dues à une augmentation de la demande, notamment aux États-Unis.

D'autres analogues du GLP-1 indiqués dans le contrôle du poids

Si Ozempic n’a pas d’AMM pour le contrôle du poids, d’autres analogues du GLP-1 comme Saxenda (liraglutide, laboratoire Novo Nordisk) ou plus récemment Wegovy (sémaglutide, laboratoire Novo Nordisk) ont obtenu le feu vert de l’Agence européenne des médicaments dans cette indication, pour les patients adultes ayant un IMC initial ≥ 30 kg/m2 ou ≥ 27 kg/m2 en cas de facteur de comorbidité associé.

Le rationnel d’utilisation des analogues du GLP-1 dans la lutte contre l’obésité repose sur leurs effets sur les signaux du comportement alimentaire. Le GLP-1 endogène est une incrétine principalement synthétisée au niveau de l’intestin mais aussi du cerveau, avec des récepteurs localisés au niveau cérébral, pulmonaire, cardiaque, pancréatique, rénal et du tractus digestif. Il active des aires cérébrales impliquées dans la régulation de l’appétit. Outre son impact sur la régulation de la glycémie, on compte parmi ses effets une augmentation de la satiété et de la plénitude, un effet anorexigène avec une diminution de la consommation alimentaire et de la prise énergétique. De plus, il réduit l’acidité et la vidange gastriques.

Alors que le GLP-1 endogène a une demi-vie très courte, les analogues synthétiques permettent d’exploiter ces propriétés avec une demi-vie plus longue autorisant une injection quotidienne voire hebdomadaire. 


Source : lequotidiendumedecin.fr