Trois questions à...

Pr Jean-François Bergmann*

Publié le 08/02/2013
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Vous aviez critiqué le « Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux » des Prs Debré et Even. La liste des « médicaments à écarter » proposée par « Prescrire » vous paraît-elle plus légitime ?

Toutes les listes de ce genre sont perfectibles et critiquables. Mais force est de reconnaître que contrairement à l’ouvrage d’Even-Debré, le travail de Prescrire repose sur des analyses critiques correctes. On n’est pas obligé d’adhérer à leur rigueur qui frise parfois le doctrinaire et leurs conclusions sont peut-être trop dures mais lorsqu’ils disent quelque chose ils s’appuient sur des données scientifiques solides.

Toutes les molécules épinglées vous semblent-elles le mériter ?

Concernant les « vieux médicaments » la liste de « Prescrire » est plutôt bonne et concerne, dans la majorité des cas, des molécules dont on aurait dû se séparer depuis longtemps. En revanche, pour les nouveaux médicaments, je trouve leur prise de positions souvent trop sévères et plus philosophiques qu’ « Evidence Based ». Parce qu’un médicament est nouveau, il devient suspect...

La plus grosse erreur de toute la liste est sûrement le Tysabri. Même si les essais thérapeutiques n’ont pas démontré de supériorité dans la SEP, ce médicament est une alternative majeure pour des patients qui ne répondent pas à l’interféron. Même chose pour la moxifloxacine. Même s’il s’agit d’une mauvaise quinolone en terme de tolérance, elle garde une efficacité dans certaines tuberculoses sur les exceptionnels BK multi-résistants. Et ce serait vraiment dommage de s’en priver.

Bon nombre des médicaments incriminés avaient déjà fait l’objet d’alertes ou de restrictions. Ils sont pourtant restés commercialisés…

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que jusqu’à l’affaire Mediator, sauf nouvel événement majeur de santé publique, il était vraiment très difficile légalement de retirer du marché un produit. Maintenant, les règles ont changé et l’on peut agir plus facilement. Par ailleurs, pour les produits autorisés à l’échelon européen, la France ne peut pas les retirer du marché sans validation de l’Europe.

* Médecine interne, hôpital Lariboisière (Paris). Ancien vice-président de la commission d’AMM à l’ANSM.

Source : lequotidiendumedecin.fr