René Frydman : "La recherche française sur la PMA est en panne"

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Publié le 04/05/2017
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René Frydman* a publie fin janvier dernier un livre-manifeste signé par 200 médecins et biologistes impliqués dans la procréation médicale assistée. Emmanuel Macron est le seul homme politique à y avoir prêté une oreille attentive. Décryptage.
visuel Frydman

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Décision Santé. Comment est-on arrivé à cette situation de blocage ?

Pr René Frydman. Chaque innovation dans notre discipline a toujours provoqué des blocages. Sans parler de la contraception ou de l’IVG, la loi bioéthique a consacré le droit à la réalisation du diagnostic pré-implantatoire en 1994. Les décrets ont été publiés cinq ans plus tard du fait du blocage du ministre de la Santé de l’époque. Pour la technique de vitrification, le combat a été long, six ans avant que nous soyons autorisés à recourir à cette méthode. Les autre équipes européennes et japonaises à l’origine de la technique ont bénéficié d’un temps d’avance.  

D. S. Comment expliquer ce conservatisme alors que la France a souvent été pionnière dans les années soixante et soixante-dix ?

Pr R. F. Je n’ai pas toutes les explications. Mais les oppositions sont nourries par les pensées religieuses, notamment catholiques qui ne souhaitent pas dissocier la sexualité de la procréation. Des hôpitaux inscrits dans cette mouvance ont dû cesser, un temps, toute activité dans le domaine de la fécondation in vitro, sans parler du statut de l’embryon, enjeu de nombreux débats. La France est, il est vrai, la fille aînée de l’Eglise. C’est aussi le pays qui a accordé le droit de vote aux femmes bien après d’autres nations. De nombreux freins persistent, conscients et inconscients autour de l’autonomie de la femme. En témoignent aujourd’hui les fortes réticences exprimées sur l’autoconservation des ovocytes. Or les arguments ne reposent sur aucune rationalité. L’autoconservation nuirait-elle à des individus, aujourd’hui ou à venir par exemple ? Ces dispositifs ont pourtant été adoptés en Italie, en Espagne. D’où l’objectif de ce manifeste de pointer les butées, les incohérences propres à la France.

D. S. Ces obstacles se traduisent-ils par un retard de la recherche ?

Pr R. F. L'interdiction jusqu'en 2013 sauf cas particulier de la recherche sur l'embryon a douché de nombreux enthousiasmes. Puis son encadrement avec l'article de la loi interdisant toute implantation d'embryon ayant fait l'objet d'une recherche a généré un nouvel handicap pour la clinique. En effet, cela signifiait que seule la recherche sur les cellules souches est autorisée. En revanche, la recherche clinique sur l'optimisation de procédures de la fécondation in vitro ne pouvait être menée. C'était donc la quadrature du cercle. Toutes les études sur les chromosomes des embryons ou leur métabolisme par exemple sont prohibées. Des recherches sur l'implantation réussie d'un embryon ou son échec sont donc impossibles. Rappelons que le taux d'échec s'élève encore entre 60 et 70 %. C'est donc un point crucial pour l'avenir. Nous attendons que d'autres pays résolvent ce problème.

D. S. Y a-t-il d'autres pays européens dotés d'une législation si restrictive ?

Pr R. F. A ma connaissance, la France est le pays où la recherche sur l'embryon est la plus encadrée à la différence de l'Italie ou de la Suisse où une votation vient d'autoriser les études embryonnaires avant transfert. Cet encadrement législatif décourage les vocations des jeunes chercheurs.

 

Le droit de choisir, René Frydman, Ed du Seuil, 106 pp., 14 euros.
* Ancien obstétricien et gynécologue à l'AP-HP.


Source : Décision Santé: 307