RCFR 2021

Tribune Eléonore Scaramozzino : « L'oncologue devra informer son patient de l'utilisation d'une IA »

Publié le 02/12/2021
Eléonore Scaramozzino au milieu (tient le micro)

Eléonore Scaramozzino au milieu (tient le micro)
Crédit photo : DR

Bénéfice/risque pour le patient connecté

La pandémie a accéléré le développement de l’oncologie hors les murs. Dès 2020, le dispositif médical de télésurveillance Moovcare® a obtenu une amélioration du service attendu (ASA) III. Cette amélioration par le recours à la télésurveillance dans le parcours de soins est confirmée par une étude randomisée multicentrique aux États-Unis. Les données de santé en vie réelle, collectées par les objets connectés et les PRO (Patient Report Outcome) favorisent le développement de la médecine personnalisée de précision et améliorent la connaissance médicale. Cependant, le partage et l’échange de ces données se heurtent au principe d’interopérabilité. Pour optimiser la valorisation de ces données pour le patient et la recherche, la feuille de route Ma Santé 2022 impose aux acteurs de la santé numérique, le respect d’une interopérabilité technique (cadre d’interopérabilité des systèmes d’information de santé (CI-SIS)) et d’une interopérabilité sémantique (terminologie).

Si le bénéfice de la santé connectée est prouvé, il s’accompagne néanmoins, d’un risque important de violation des données. La sécurité constitue un des piliers de la doctrine technique du numérique en santé. Ainsi, les éditeurs de solutions numériques et les hôpitaux doivent se conformer aux exigences des référentiels de l’Agence du numérique en santé (ANS), tels que la PGSSIS, la certification HDS pour l’hébergement de données de santé. Pour les hôpitaux, les obligations relatives à la sécurité et confidentialité des données dans les programmes HOP’EN (Hôpital ouvert sur son environnement) et SUN-ES (Ségur des usages du numérique en santé) sont considérées comme des prérequis. Le plan de renforcement de la cybersécurité en santé prévoit une enveloppe de 25 millions d'euros dédiée à la sécurisation des établissements de santé. Toutefois ces mesures ne pourront être pleinement efficaces sans une vigilance au quotidien des professionnels de santé, qui traitent ces données sensibles.

Le principe de garantie humaine pour l’IA : maintien de la responsabilité de l’oncologue

La loi bioéthique (loi n° 2021-1017 du 2 août 2021) a introduit le principe de garantie humaine dans le code de la santé publique (art L 4001-3 CSP). Dès lors, un médecin, qui décide pour des actes à visée préventive, diagnostique et thérapeutique, d’utiliser un dispositif médical (DM) comportant un traitement de données algorithmiques, dont l’apprentissage a été réalisé avec des données massives, ne pourra pas automatiquement appliquer le résultat algorithmique. En conséquence, le recours à l’intelligence artificielle, de type machine learning ou deep learning, doit être supervisé par le professionnel médical. L’oncologue devra informer son patient de l’utilisation d’une IA. Au regard de son expérience, de sa compétence et de la connaissance du patient, il décidera de s’écarter ou de suivre la recommandation algorithmique. La relation avec son patient est préservée et sa responsabilité reste inchangée. Les modalités d’utilisation des DM avec IA seront précisées dans un arrêté ministériel.

Remboursement de la télésurveillance

Enfin, la loi sur le financement de la Sécurité sociale pour 2022 consacre le remboursement de la télésurveillance médicale (article 36). Son utilisation en oncologie devrait se développer, les détails de ce financement restent à préciser… À suivre

* RCFr2021 pleniere 6 "Digitalisation des pratiques en oncologie".

Eléonore Scaramozzino, avocat partenaire Constellation Avocats

Source : lequotidiendumedecin.fr