Bien que les futurs pères aient la possibilité de bénéficier d’une consultation prénatale remboursée par l’Assurance- maladie grâce au projet 1 000 premiers jours, son accès effectif est encore insuffisant. Et le constat selon lequel les hommes ont moins de contacts avec le système de santé que les femmes et recourent moins souvent qu’elles aux soins primaires, demeure.
L’équipe du Centre hospitalier André Grégoire à Montreuil (Seine-Saint-Denis) a proposé et évalué une consultation prénatale masculine, et publié les résultats dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France. L’objectif de Partage, du nom de cette étude interventionnelle, était tout d’abord d’améliorer le dépistage du VIH des deux parents, recommandé par les autorités de santé, puis d’offrir aux futurs pères une consultation de prévention, accès aux droits, rattrapage vaccinal et référencement vers le soin primaire. La Seine-Saint-Denis affiche le taux de pauvreté le plus élevé de France métropolitaine, avec une population plutôt issue de l’immigration, et une forte prévalence du VIH puisqu’il est le deuxième le plus touché en métropole. De plus, 52 % des femmes ayant accouché à l’hôpital de Montreuil en 2020-2021 sont socialement vulnérables. Quelque 3 500 grossesses y sont suivies chaque année.
44 % des hommes éligibles sont venus à la consultation
De janvier 2021 à avril 2022, les auteurs ont proposé à toutes les femmes majeures reçues à l’hôpital de Montreuil en première consultation prénatale pour lesquelles il existait un futur père impliqué et vivant en Île-de-France de communiquer les coordonnées de ce dernier. Au total, 3 038 femmes (80 % des éligibles) ont transmis les coordonnées du conjoint, et in fine, 44 % de ces hommes, soit 1 333, sont venus en consultation. Un taux bien supérieur aux campagnes de dépistage systématique du cancer du sein (36 %) et colorectal (25 % chez les hommes), relèvent les auteurs.
Parmi les femmes éligibles (âge médian de 31 ans), pour moitié issue de l’immigration, 33 % étaient primipares, 49 % avaient un niveau d’études supérieures, 46 % étaient sans emploi avant leur grossesse, 13 % pensaient n’avoir jamais fait un test VIH, 36 % se souvenaient d’une discussion de couple sur le VIH ou les IST et 56 % ignoraient si le futur père avait déjà fait un test VIH.
Pour 78 % d’entre elles, les femmes prédisaient que le futur père viendrait à la consultation prénatale proposée. Les hommes (âge médian de 35 ans) étaient à 59 % issus de l’immigration, 35 % avaient un niveau d’études supérieures et 14 % n’avaient aucun emploi.
Un taux d’adhésion plus élevé chez les immigrés
L’étude montre que les hommes dont les femmes sont nées en Afrique subsaharienne (OR après ajustement = 2,23), en Asie (OR après ajustement = 3,14) et en Amérique latine-Haïti (OR après ajustement = 1,71) sont plus venus que ceux dont les femmes sont nées en France. Sont aussi surreprésentés les partenaires des femmes primipares, et de celles au niveau d’étude bas ou élevé, par rapport à celles ayant un niveau secondaire. Pour la sous-population de femmes immigrées, l’absence de domicile personnel, un séjour de moins de sept ans et une histoire personnelle précaire étaient indépendamment associés à la venue de leur partenaire.
Concernant les hommes, l’analyse multivariée a révélé que leur venue était associée à un âge supérieur à 30 ans, une première grossesse pour le couple (OR = 2) et à une naissance en Afrique subsaharienne (OR = 1,83) ou en Asie (OR = 1,82) plutôt qu’en France. Les hommes pas ou peu scolarisés et diplômés de l’enseignement supérieur avaient davantage adhéré au dispositif que ceux s’étant arrêtés au secondaire. Les auteurs précisent que « la proportion d’hommes avec un suivi médical était comparable dans les deux groupes » et que « l’absence de droit au séjour restait associée au recours à la consultation ».
Les auteurs voient dans la plus forte adhésion des hommes issus de l’immigration et de ceux dont les femmes étaient les plus vulnérables le désir d’une « première accroche avec un système de santé qui, bien que théoriquement accessibles à tous, leur restait en pratique fermé ». Cette consultation prénatale « est bien acceptée » et son succès est « fondé sur une approche proactive », concluent-ils, tout en relevant que « les futurs pères ne sont pas identifiables à travers la déclaration de grossesse et ne peuvent faire l’objet d’aucune campagne organisée d’invitation à consulter ».
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