C'est arrivé le 12 juin 1478

Naissance de Jérome Fracastor

Publié le 13/06/2015

Crédit photo : GARO/PHANIE

La naissance de Jérome Fracastor (Girolamo Fracastoro) le 12 juin 1478 tient presque du miracle puisque l'on dit qu'il est né avec la bouche close qu'il a fallu inciser, après l'avoir sorti vivant du corps de sa mère tuée par la foudre.

Il passe son enfance dans la propriété familiale à Incaffi, sur les bords du lac de Garde, à une vingtaine de kilomètres de Vérone avant de se tourner vers les Belles-Lettres et la philosophie. Puis, Il étudie le droit à Bologne avant de rejoindre l'université de Padoue où il fait la connaissance de Nicolas Copernic. Là, il étudie les mathématiques, la philosophie et la médecine et une fois diplômé, en 1502, il reste un an à l'Université à y enseigner la philosophie. Puis il s’établit à Vérone pour y pratiquer la médecine et il y est adulé. Vers 1509 il devient le médecin personnel (archiatre) du pape Farnèse, Paul II.

A trente ans, Fracastor est un homme protée au talent universel, à la fois médecin, botaniste, musicien, astronome, mathématicien, géographe. Et aussi poète...

Une description de la syphilis en vers, à la manière d’Ovide

C'est ainsi qu'en 1530,il publie son célèbre poème "Syphilis Sive Morbus Gallicus" dédié au cardinal Bembo. Ecrit en vers latin à la manière d'Ovide. l'oeuvre va connaître un succès immense. Fracastor y fait la description théorique, clinique et thérapeutique de la nouvelle peste : la syphilis.

La syphilis, le mal qui répand la terreur

Cette maladie, Christophe Colomb l'avait ramenée dans les cales de ses caravelles en 1493. Elle se serait peut-être cantonnée à l'Espagne si le roi de France, Charles VIII, en guerre contre l'Italie, n'avait pas engagé des mercenaires espagnols, pour entrer dans Naples le 22 février 1495. Le conflit terminé, les mecenaires, venus non seulement d'Espagne mais de tous les pays d'Europe, emportèrent la maladie chez eux. Tout le monde va rejeter alors la responsabilité du mal sur l'autre. Les Italiens vont dénommer la syphylis "mal français", les Français vont parler de "mal napolitain" les Espagnols de "mal serpentin", les Polonais de "mal allemand" et les Russes de "mal polonais". Pour les Arabes, c’est le "bouton des Francs", et pour le reste du monde, le "mal étranger".

"Le mal qui répand la terreur, Mal que le ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre" fut un sujet de stupeur et de terreur, comparable à la peste noire. En Allemagne, des populations entières fuient leur village. A Paris, les malades qui ne quittent pas la capitale sont punis de mort, les récalcitrants étant jetés dans la Seine.

Benedetto déclare que la syphilis surpasse en horreur la lèpre et l'éléphantiasis alors qu’Erasme observe que "cette contagion réunit à elle seule tout ce qu'il y a d'effroyable dans les autres contagions." L’épidémie va cependant déciner peu à peu au fil du XVIe siècle. L'origine vénérienne est affirmée, ce qui fait écrire à Jean Fernel en 1550: "Ce mal, à moins qu'un Dieu tout puissant, dans sa clémence, ne l'extirpe lui-même, ou que la luxure effrénée des hommes diminue, je crois qu'il sera toujours le compagnon du genre humain."

Écrit sous forme de poèmes et composé de trois livres, "Syphilis Sive Morbus Gallicus" Fracastor présente dans le premier tome de son œuvre l'apparition de la maladie et les troubles qu'elle cause, dans le deuxième les traitements possibles et l'étude du cas d'un homme qui aurait trouvé un remède par des bains de mercure et enfin le troisième tome est un conte allégorique où un beau berger du nom de Syphilis (qui en grec signifie un "don d'amitié réciproque" ) se voit atteint d'une maladie le rendant hideux après avoir mis en colère le dieu du Soleil Apollon. Mais finalement, ce dernier est guéri par le bois de gaïac. Le bois de gaïac venait d'Amérique Centrale. Après l'avoir râpé on en faisait une décoction que le malade, à la diète complète et sous une couverture afin de transpirer abondamment, devait boire deux fois par jour. La cure complète durait de quatre à cinq semaines. La sudation et l'irritation secrétoire du gaïac devait extirper le mal. Ce remède va connaître un incroyable succès et François Ier lui-même lorsqu'il fut atteint par la syphilis envoya un vaisseau aux îles afin d'en rapporter le bois guérisseur.

Autre œuvre d’importance de Fracastor, son "De Contagione et Contagiosis Morbis (De la contagion et des maladies infectieuses)" paru en 1546 et rédigé, cette fois, en prose. A partir de l'étude de diverses maladies comme la syphilis, la tuberculose, la lèpre ou encore la gale, Frascator propose une théorie sur la contagion, la théorie du contagium vivum, et distingue trois modes de transmission des maladies: d'abord la contagion interhumaine directe entre individus (gale, phtisie, lèpre) ensuite la contagion indirecte par l'intermédiaire d'agents vecteurs des "seminaria contigionis" transportés par l'air et les objets usuels, les vêtements, les animaux; enfin la contagion à distance (peste, ophtalmie purulente égyptienne, variole), dans ce cas les germes seraient comme attirés par les sujets dont les humeurs leur sont le plus propices.

Avec cet ouvrage, Frascator se révèle un peu comme le créateur de l'épidémiologie et ses descriptions cliniques de la "grande vérole" et des autres maladies infectieuses: peste, variole, fièvres éruptives, typhus exanthématique, lèpre, syphilis et phtisie (tuberculose).

sont étonnantes d'observation et de précision il décrit avec rigueur

Précurseur de génie, "contagionniste" convaincu, on a pu l'appeler "le Père de l'épidémiologie moderne".

Fracastor fut donc un savant éminent à plusieurs égards. On ne peut s'empêcher de rêver à ce qu'eut été son destin quatre cent cinquante ans plus tard avec les moyens dont disposèrent Pasteur ou Koch...

La mort le surprit à sa table de travail en 1553 à Caffi près de Vérone, à la suite d'un ictus accompagné d'aphasie, sans qu'il ait pu faire comprendre à son entourage (dit-on) le désir qu'on lui posât des sangsues, remède dont il avait observé l'efficacité.

Vérone et Padoue lui érigèrent la tombe et les statues de marbre réservées aux esprits éminents.


Source : lequotidiendumedecin.fr