Overdoses d’opioïdes : plaidoyer pour un accès plus large à la naloxone

Publié le 02/09/2019
Antalgiques

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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Injection intramusculaire ou spray nasal : puisque l’antidote prête à l’emploi, pour neutraliser les effet d’une overdose d’opioïdes existe, il est urgent d'en faciliter l'accès… Deux jours après la journée internationale de lutte contre les overdoses (Overdose Day), experts addictologues, médecins spécialistes de la douleur et associations d’usagers se sont associés pour réclamer une meilleure accessibilité à la Naloxone à l’occasion d’une conférence de presse commune à l’hôpital Marmottan.

La France n’est heureusement pas confrontée à la crise sans précédent qui sévit outre Atlantique.  Avec 70 000 décès enregistrés en 2017, « les overdoses, dues à l’explosion des prescriptions d’opioïdes, liées à un marketing massif des laboratoires sont devenues aux Etats Unis la première cause de mortalité, devant les armes à feu. Elles touchent aussi bien les hommes que les femmes, à un âge moyen de 45 ans », rappelle le Pr Michel Reynaud, président du Fonds Action Addictions. Par rapport  à cette hécatombe, l’Hexagone comptabilisait 432 décès par overdose en 2017, selon l’OFDT. 80 % sont en lien avec des opioïdes et auraient pu être évitées.

Un risque réel même en population générale

Le risque ne se limite plus seulement aux usagers de drogue, qu’ils soient dépendants à l’héroïne ou sous traitement substitutif à la méthadone. « Il faut absolument se départir de cette représentation sociale de l’overdose, que l’on imagine encore comme une fatalité de l’usager de drogue » plaide Jean-Maxence Granier, vice président de la toute jeune association France patients experts addictions (FPEA). Hors mésusage, « le risque d’overdose existe désormais aussi en population générale » confirme le Pr Reynaud. « 25 % des Français sont concernés par des douleurs sévères qui justifient le recours à des antalgiques puissants. Chaque année 12 millions de personnes au moins bénéficient d’une ordonnance remboursée d’opioïdes. Certains peuvent développer une addiction » recense le Pr Authier, directeur de l’observatoire français des médicaments antalgiques (OFMA). Il ne s’agit ni de remettre en cause les traitements de substitution, ni les traitements de la douleur, précise le collectif.

Prescrire l’antidote aux overdoses aussi simplement que l’on prescrit un stylo auto injecteurs d’adrénaline aux patients à fort risque de choc allergique devrait en revanche devenir monnaie plus courante, estime-t-il. « On peut parfaitement, et je le fais couramment, délivrer à la fois une ordonnance de Tramadol et prescrire de la Naloxone, dés lors que l’on sait son patient à risque, au vu de son usage des antidouleurs, des usages associés (alcool, anxyolitiques) et/ ou commorbidités » détaille le Pr Authier. Elargir la diffusion de la Naloxone permettrait accessoirement de mieux informer et former les patients-quels qu’ils soient- et leurs proches aux signes de l’overdose et à la conduite à tenir.

Une disponibilité en pharmacie très limitée

Améliorer les pratiques professionnelles, mieux informer usagers et leur entourage, assurer une large diffusion de la naxolone prête à l’emploi, en la mettant notamment à disposition des sapeurs pompiers appelés à intervenir en urgence et même des services de police... Tous ces points figurent parmi les objectifs de la feuille de route ministérielle pour "prévenir et agir face à la crise des opioïdes", dévoilée ce week-end. Si les experts la jugent satisfaisante « sur le papier » elle est risque de ne pas fonctionner en pratique regrettent-ils. Principal écueil : la disponibilité effective de l’antidote, alors qu’elle devrait être plus facilement accessible que les opioïdes et intégralement remboursée, plaide la FPEA.

Théoriquement, la naloxone est accessible sous deux formes. Le Nalscue, solution pour pulvérisation nasale, bénéficie depuis 2018 d’une AMM qui n’autorise sa délivrance que dans les hôpitaux et centres d’accueils et de soins spécialisés dans les addictions (CASPA et CAARUD). 15 700 kits ont été distribués. Mais faute d’accord sur son prix avec le CEPS, sa commercialisation va s’arrêter, une fois les kits déjà fabriqués écoulés. Une autre spécialité intranasale (Nyxoid) a déjà obtenu son AMM européenne, mais son éventuelle disponibilité en France dans les prochains mois sera elle aussi soumise à négociations pour accord sur le prix. En attendant, en juin 2019, l’ANSM a autorisé une autre forme. Le Prenoxad, administrable par une simple injection intra musculaire doit être disponible en pharmacie, sur prescription avec (23 € remboursés à 65 %) ou sans ordonnance. Selon le testing mené par une équipe de recherche entre le 23 juillet et fin août auprès des officines, c’est encore loin d’être le cas : seules 2 pharmacies sur 100 en disposaient et les 2/3 ne proposent même pas de le commander, « car il est impossible de le faire auprès du grossiste répartiteur : il doit être commandé directement au fabricant » déplore le Pr Reynaud.

 

 

 

Claudine Proust

Source : lequotidiendumedecin.fr