Interview

Penser à la maladie de Parkinson avant 50 ans

Publié le 13/04/2018
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À l’occasion de la publication d’un numéro spécial du BEH pour la Journée mondiale sur la maladie de Parkinson, le Pr Philippe Damier, neurologue au CHU de Nantes, alerte sur les signes précoces,10 % des cas débutant avant 50 ans.
Damier

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Crédit photo : DR

Qui sont les malades de Parkinson en France ?

Pr Philippe Damier. Ils sont en France un peu moins de 170 000 (1,5 homme pour une femme). Les données de remboursement, citées dans une étude publiée dans le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France* (10 avril, NDLR), font état de 25 842 personnes nouvellement traitées en 2015. Les baby boomers, mieux épargnés par les maladies infectieuses et cardiovasculaires, arrivent dans les âges à risque. Mais attention : contrairement à l’idée reçue, la MP n’est pas qu’une pathologie des sujets âgés. Les formes démarrant à la quarantaine, plus rares, sont loin d’être exceptionnelles. Environ 10 % des cas débutent avant 50 ans, âge auquel il faut donc absolument y penser.

Cette idée reçue est-elle source de retard diagnostique ?

Pr P. D. Lorsque retard diagnostique il y a, c’est souvent dans cette tranche des moins de 50 ans. La maladie débutante est insidieuse. Dans les formes à début précoce, le tremblement – d’ailleurs absent chez 30 % des malades – est rare. Pour un médecin traitant qui suit en moyenne trois-quatre cas, la symptomatologie n’est donc pas toujours très claire. Le piège est de passer à côté de signes qu’un patient en pleine activité a tendance à mettre sur le compte de la fatigue, ou d’une tendinite qui traîne. Une difficulté gestuelle liée à une douleur d’allure rhumatismale doit inciter à rechercher une difficulté motrice et adresser si besoin à un neurologue. Une dépression, sans élément causal ni antécédent, qui se manifeste par un ralentissement psychomoteur plus que par de la tristesse et ne répond pas bien au traitement antidépresseur, nécessite aussi de se poser la question.

Quid des causes de la maladie ?

Pr P. D. La maladie n’est imputable à une mutation génétique unique que pour 10 à 15 % des patients ; même dans ces cas, il n’y a pas forcément d’ascendants touchés (formes récessives ou pénétrance incomplète). Dans 85-90 % des cas, elle est multifactorielle, combinant prédisposition génétique et facteurs environnementaux multiples. Beaucoup ne sont pas détectés, mais on dispose aujourd’hui d’un bon niveau de preuve sur la responsabilité de pesticides chez les agriculteurs. Depuis 2012, ils peuvent d’ailleurs voir la maladie de Parkinson reconnue comme maladie professionnelle.

Le diagnostic a-t-il évolué ?

Pr P. D. Il reste essentiellement clinique, posé par un spécialiste, sur la base de signes moteurs. C’est fiable et suffisant. L’imagerie spécifique – scintigraphie au Datscan qui permet de visualiser la destruction des terminaisons dopaminergiques – ne se justifie que pour les cas difficiles : une symptomatologie ténue, ou chez un patient sous neuroleptiques (qui peuvent être à l’origine d’un syndrome parkinsonien). Or, les prescriptions pas toujours appropriées de cette scintigraphie ont tendance à augmenter.

Et la prise en charge ?

Pr P. D. Si tous les traitements neuroprotecteurs se sont révélés négatifs, l’immunothérapie par injection d’anticorps monoclonaux dirigés contre les agrégats de protéines alpha-synucleïne semble une piste prometteuse. Une étude de phase II est en cours. En attendant, la prise en charge thérapeutique symptomatique a progressé ces dix dernières années. La chirurgie par stimulation cérébrale profonde ne concerne que 5 à 10 % des patients. C’est une solution intéressante, en particulier dans les formes à début précoce. L’intervention est proposée dès la sortie de la “lune de miel” médicamenteuse (lorsque l’on doit dépasser les trois prises de médicaments par jour). Au choix du patient ou lorsque le risque opératoire est élevé, on dispose de l’alternative de la pompe à apomorphine, qui dispense un agoniste en sous-cutané ou, plus rarement – cela requiert une gastrostomie –, de la pompe d’administration intestinale de L-dopa en continu.

Le traitement initié par un spécialiste combine majoritairement activité physique et médicaments rétablissant la transmission dopaminergique, L-dopa et/ou agonistes de la dopamine, et assez souvent utilisés en combinaison. On a appris à les doser plus finement et de façon très personnalisée. Cela évite les dyskinésies sévères et permet de bien contrôler la maladie, avec une “lune de miel” de 5 à 8 ans en moyenne, parfois même de 20 ans. 

* Fréquence de la maladie de Parkinson en France en 2015 et évolution jusqu’en 2030. Frédéric Moisan et coll. Santé publique France.

Propos recueillis par Claudine Proust

Source : lequotidiendumedecin.fr