Pesticides : bataille scientifique et juridique autour du glyphosate en Europe

Publié le 03/06/2017
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Crédit photo : BURGER/PHANIE

Le glyphosate est-il cancérigène ? Alors que le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC), a depuis longtemps évalué ce risque comme "probable", l'Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) et celle des produits chimiques (Echa) estiment le contraire. À la suite du feu vert des deux agences, la Commission européenne a relancé la procédure pour renouveler, pour dix ans, l'autorisation du glyphosate, présent dans les pesticides les plus utilisés dans le monde comme le Round Up de Monsanto.

Mais les opposants à cette substance herbicide controversée n'entendent pas baisser les bras. Dans une lettre ouverte au président de la Commission européenne, le Dr Christopher Portier renouvelle ses inquiétudes sur le caractère cancérogène du glyphosate. Le Dr Portier était déjà à la tête d'un collectif d'une centaine de scientifiques qui avaient tiré un premier signal d'alarme début 2016. Il persiste et signe après avoir eu accès, après une longue bataille administrative menée par des parlementaires européens, à une partie des données scientifiques sur lesquelles l'Echa et l'Efsa se sont basées. Selon lui, ces données sont fournies par l'industrie phytosanitaire, qui fabrique les pesticides. "L'Efsa comme l'Echa n'ont pas réussi à identifier tous les cas statistiquement significatifs sur le cancer dans les études menées sur les rats", écrit le scientifique, dans les conclusions sont reprises par Greenpeace.

A Bruxelles, l'UE a accusé réception de la missive : "Nous avons bien reçu la lettre, et nous allons demander aux deux agences, l'Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) et l'Agence européenne des produits chimiques (Echa), d'y répondre, car ce sont les organes scientifiques" chargés du dossier, a réagi la Commission via une porte-parole. Anca Padurarua a par ailleurs indiqué que "les discussions vont recommencer avec les Etats membres".

La Commission n'avait en effet pas réussi à convaincre ceux-ci de renouveler la licence qui arrivait à expiration à l'été 2016. Bruxelles avait alors décidé de la prolonger de 18 mois, dans l'attente d'un rapport de l'Echa, publié à la mi-mars. La décision sur la licence du glyphosate doit se prendre au sein d'un comité technique regroupant des représentants des Etats membres. Il est nécessaire qu'une majorité qualifiée s'y dessine pour ou contre afin d'entériner la décision qui, sinon, revient à la Commission européenne.

Parallèlement, les verts du Parlement portent l'affaire sur le terrain juridique. Les eurodéputés du groupe ont saisi la Cour de justice de l'UE afin de forcer l'Efsa à publier toutes les études qu'elle a utilisées, y compris celles faites par des entreprises privées, dans son évaluation du glyphosate. Les Verts s'inquiètent eux aussi du fait que certaines de ces études ont été effectuées par des fabricants de pesticides. Or l'Efsa refuse de les rendre publiques au nom de la protection des intérêts commerciaux de ces entreprises privées… À l’inverse, les Verts estiment que le glyphosate entre dans la catégorie des cas où les informations concernent la "diffusion d'un produit dans l'environnement" puisque les pesticides sont pulvérisés. Et dans cette situation, stipule le règlement Aarhus, les intérêts commerciaux doivent passer après le droit du public à accéder à l'information. Pour les Verts, les agences européennes devraient appliquer le même règlement interne que le CIRC, à savoir de ne s'appuyer que sur des études publiques.


Source : lequotidiendumedecin.fr