Ostéoporose

Pourquoi les fractures s’enchaînent

Publié le 08/02/2019
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De plus en plus évoquée, la notion de cascade fracturaire vertébrale a été largement abordée lors de la 32e journée scientifique du GRIO. Si la définition exacte reste à préciser, le concept met en exergue l’importance du risque de récidive après une première fracture. Un engrenage dont on connaît de mieux en mieux les déterminants.
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Crédit photo : ZEPHYR/SPL/PHANIE

Si les fractures ostéoporotiques sont fréquentes (40 % des femmes et 13 % des hommes de plus de 50 ans en auront une avant la fin de leur vie), l'incidence des fractures vertébrales (FV) ostéoporotiques est sous-estimée, puisque « seulement un tiers d'entre elles sont symptomatiques », a expliqué le Dr Hélène Che (Montpellier) lors de la 32e journée scientifique du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO, Paris, 18 janvier). Or, un patient ayant une FV a 20 % de risque d'en faire une nouvelle dans l'année qui suit « et ce risque est d’autant plus élevé que le nombre de fractures vertébrales prévalentes est important ». D'où la notion de cascade de fractures vertébrales (CFV), apparue dès 2007 dans la littérature, mais pour laquelle il n'existe pas de définition précise, tant en termes de nombre de fractures que de période d'observation.

Une composante mécanique importante

Sur le plan étiologique, les FV comme les CFV sont d'origine multifactorielle, mais la composante mécanique est très importante et permet d'expliquer en partie la survenue de CFV. Elle fait intervenir à la fois des propriétés osseuses (qualité et densité minérale de l’os), des propriétés rachidiennes locales (macrostructure vertébrale, intégrité du disque intervertébral, caractéristiques de la fracture préexistante) et globales (courbure rachidienne, charge vertébrale, faiblesse musculaire) ainsi que des propriétés neurophysiologiques (contrôle musculaire du tronc, équilibre, peur et douleur, mobilité fonctionnelle).

« Après une FV, la modification de la statique rachidienne va augmenter la charge mécanique qui s'exerce sur les vertèbres adjacentes et les disques, puis accentuer l'hypercyphose thoracique [présente chez environ 40 % des femmes âgées] », indique le Dr Che. « Cette cyphose va ensuite entraîner une perte musculaire des érecteurs rachidiens, un équilibre instable, une perte des fonctions physique et pulmonaire, des douleurs chroniques et une augmentation de la charge vertébrale, le tout accentuant le risque de nouvelle FV », ajoute le médecin. De même que l'immobilisation consécutive à une FV qui, en favorisant la fonte musculaire, accroît ce risque.

En dehors de ces facteurs mécaniques essentiels, d'autres causes permettant d'expliquer les CFV ont été rapportées dans la littérature : génétiques, endocriniennes, inflammatoires, toxiques, etc.

Casvos, une étude pour mieux cerner les facteurs de risque

Afin de mieux caractériser l'étiologie et les facteurs de risque des CFV, le GRIO et la Société française de rhumatologie ont mené l'étude observationnelle Casvos. Ce travail a inclus 113 patients (âge médian : 73 ans) avec une CFV identifiée entre janvier 2016 et avril 2017 ; 79,6 % étaient des femmes ; le nombre médian de FV était de cinq. Une CFV était définie par la survenue d’au moins trois FV en une année. Parmi ces patients, 40,5 % avaient un antécédent de fracture majeure ostéoporotique (une FV dans 30,9 % des cas) et 68,6 % une ostéoporose densitométrique ; 18,9 % avaient une corticothérapie orale en cours, 37,1 % un antécédent de corticothérapie et 31,5 % avaient reçu un traitement anti-ostéoporose.

In fine, dans 54 % des cas, la CFV a été attribuée à une ostéoporose post-ménopausique, alors que dans 46 % des cas une ostéoporose secondaire associée à la CFV a été retrouvée, majoritairement cortico-induite (25,7 %). « La CFV est donc une complication grave, et directe dans plus de la moitié des cas, de la seule fragilité osseuse », indique le Dr Che.

Perte de taille

Pour la rhumatologue, ces résultats doivent inciter les praticiens à « mesurer la taille de leurs patients en pratique clinique courante, mettre en place des examens d'imagerie rachidienne en cas de perte de taille significative (4 cm par rapport à la valeur “historique” et/ou 2 cm depuis la dernière mesure) et envisager un traitement pharmacologique précoce chez tous les patients avec fracture de fragilité ». En cas de FV, les recommandations Eular/Efort de 2017 préconisent la mise en place d’antalgiques, d’AINS le cas échéant, d’anti-ostéoporotiques ainsi qu’un traitement étiologique en cas de cause secondaire d'ostéoporose identifiée. Une modification des activités physiques et la mise en place d'un corset sont également recommandées, de même que des séances de kinésithérapie comprenant une éducation du patient aux accidents de la vie courante et à la prévention des chutes, ainsi qu’un programme de rééducation « avec activités en charge, travail de l'équilibre et, surtout, travail de l'extension rachidienne », souligne le Dr Che.

Fanny Bastien

Source : lequotidiendumedecin.fr