Prescriptions : le piège de la fragilité chez le sujet âgé

Publié le 11/07/2017
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Crédit photo : MARY DUNKIN/SPL/PHANIE

Selon une des études du dernier BEH, volumineux numéro consacré au Vieillissement et à la fragilité, la dépense de pharmacie d’un sujet « fragile » est plus élevée de 287 € par an que celle d’un sujet « robuste ». À nombre de molécules égales, les sujets âgés qualifiés de fragiles consomment 17 boîtes de médicaments supplémentaires par an.

L'étude du BEH a été menée sur les données de l’Enquête santé et protection sociale 2 012 (ESPS) de l’Irdes qui avait mis en évidence un lien entre fragilité et dépenses de santé relatives aux prestations sanitaires. Mais cette fois, c’est l’analyse de la consommation de médicaments à la fois en valeur (dépense ambulatoire) et en volume (nombre de boîtes de médicaments) qui constitue l’originalité de l’approche. L’analyse a porté sur 1 890 sujets âgés de 65 ans et plus (75 +/- 7 ans d’âge moyen) dont 53,1 % de femmes. La fragilité et la préfragilité concernaient respectivement 12,1 % et 41,8 % de la population.

Les critères retenus de fragilités ont été ceux définis par dans les années 2000 grâce aux résultats d’une étude épidémiologique nord américaine : fatigue, amaigrissement involontaire, bas niveau d’activité physique, altération de la mobilité et faiblesse musculaire. Les sujets présentant au moins trois critères ont ainsi été considérés comme « fragiles ».

Dans l’étude, les sujets qualifiés de robustes et ne répondant donc à aucun des critères de fragilité, reçoivent en moyenne 12 +/- 7 molécules différentes par an. Ce chiffre passe à 15 +/- 8 chez les « préfragiles » et à 18 +/- 9 chez les « fragiles ». En dépense ambulatoire de médicaments, les premiers consomment en moyenne 758 € par an (68 boîtes de médicaments). Ces chiffres passent à 1 078 € (99 boîtes) chez les « préfragiles » et atteignent 1 619 € (156 boîtes) chez les « fragiles ».

Des prescripteurs plus inquiets

Alors pourquoi à « pathologies égales », le statut de fragilité influence à la hausse la consommation de médicaments ? Sans avoir de réponse définitive, les experts du BEH invoquent deux raisons. La première serait que les « fragiles » reçoivent des paniers de médicaments différents, potentiellement plus chers. La seconde repose sur le fait que ces patients seraient traités plus longtemps ou à des posologies plus importantes. Tout se passe comme si « les médecins percevaient l’état de fragilité du patient comme une forme de sévérité des pathologies connexes » et donc prescriraient davantage de médicaments.

Qui de la poule ou de l’œuf ?

Reste que cette stratégie de prescriptions plus importantes de molécules pourrait aussi être une cause de fragilité… En effet, une étude française chez 823 patients âgés hospitalisés a montré que ceux présentant des critères de fragilité, comme une dénutrition, des problèmes de mobilité ou une dépression, avaient davantage d’accidents iatrogènes médicamenteux (environ 15 % de plus) que les patients ne présentant pas ces critères de fragilité. « Dans ce contexte, on peut s’interroger sur le rôle déterminant des médicaments dans le processus de fragilisation. Si elle ne permet pas de conclure sur cette question, cette étude montre que les sujets fragiles ont particulièrement exposé aux médicaments, alors même qu’ils sont, par définition et d’après les études épidémiologiques, plus vulnérables à la iatrogénie », interrogent les auteurs en conclusion.


Source : lequotidiendumedecin.fr