Si « Le Généraliste » était paru en mai 1781

Quelques remarques sur le bouton d’Alep

Publié le 16/05/2016
Histoire

Histoire

« De Mossoul, en Asie.

Le bouton d’Alep est un bouton peu douloureux, superficiel, ordinairement de la largeur d’un liard, rarement de celle d’un sol. Les habitants d’Alep où il est très commun en sont attaqués dans l’enfance ; ils n’y font aucun remède, et alors il ne laisse qu’une cicatrice peu considérable qui disparaît avec l’âge. Ce bouton vient dans toutes les parties du corps ; les enfants d’Alep l’ont ordinairement aux cuisses. Les Européens adultes l’ont souvent au visage. Si, lorsqu’il commence à suppurer ou, plutôt, à produire une liqueur ichoreuse (ce qui arrive au bout de six mois), ils couvrent ce bouton avec de la pulpe de café, cette liqueur creuse davantage et la cicatrice en devient plus désagréable. Il croît pendant six mois et n’est pas fort douloureux. Il suppure ou rend un peu de liqueur âcre pendant six autres mois et se dessèche enfin, en sorte qu’il est guéri au bout d’un an.

Ce bouton est souvent double, et souvent on en a trois, cinq, et jusqu’à treize, toujours, dit-on, en nombre impair lorsqu’on en a plus de deux.

Ce bouton n’est pas particulier à la ville d’Alep, quoiqu’on assure (peut-être cela dépend de l’eau qu’on boit dans cette ville) que les gens des environs ne l’ont pas. Il est connu à Mossoul et dans d’autres contrées de l’Asie. À Alep, les chiens en sont souvent attaqués et l’ont sur le museau. J’aurais voulu essayer sur un chien si le cautère actuel pourrait le guérir, mais je ne pus m’en procurer aucun qui en fut attaqué.

Les Européens qui habitent Alep, ou qui passent seulement dans cette ville, en sont souvent attaqués même dans leur patrie, et il y a des exemples qu’on peut avoir ce bouton quinze ans après qu’on a quitté Alep. Si après avoir quitté Alep on ne l’a pas eu dans cet intervalle, on est moralement sûr qu’on ne l’aura jamais.

J’ai vu à Mossoul deux Dominicains européens, dont l’un en a eu deux sur le dos de la main droite et l’autre un sur le poignet. Le premier en fut délivré en l’espace de seize mois en les couvrant avec du marc de café desséché, et appliquant de ce marc sur l’ancien, toutes les fois que la matière ichoreuse se faisait jour et paraissait au dehors, et l’autre s’en est délivré en l’espace de cinq mois par l’application de l’élixir de propriété. Les cicatrices du premier sont très apparentes, celle du second n’est presque pas remarquable. On doit remarquer que ce bouton oriental suppure plutôt à Mossoul qu’à Alep. »

                                               M. Saury, médecin de leurs Majestés Impériales et Royales

(« Gazette de santé, 1781 »)


Source : lequotidiendumedecin.fr