Santé publique

Cancer du sein : une étude française met en cause la pollution atmosphérique

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Publié le 04/10/2022
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Une étude du Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard retrouve un lien entre exposition à plusieurs polluants atmosphériques et augmentation du risque de cancer du sein.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

L’exposition à un air pollué augmente bel et bien le risque de cancer du sein. C’est ce que confirme l'étude XENAIR, un travail de grande envergure menée par le département Prévention Cancer Environnement du Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard (Lyon) et financée par la Fondation ARC. « Il s’agit de la première étude analysant l’effet individuel de (...) 8 polluants sur le risque de cancer du sein, avec une estimation des expositions à une échelle fine et tenant compte de l’histoire résidentielle des sujets sur 22 ans », soulignent les investigateurs dans un communiqué.

Comme l'a rappelé Béatrice Fevers, Chef du Département Prévention Cancer Environnement du Centre Léon Bérard, lors d'une conférence de presse, « la pollution de l’air (dans son ensemble et aux particules fines en particulier) a été classée cancérogène certain par le Centre International de Recherche sur le Cancer (Circ) en 2013, avec notamment un lien avec le cancer bronchopulmonaire ». Cependant, à l'époque, les données scientifiques apparaissaient insuffisantes pour retenir un impact de la pollution atmosphérique sur le cancer du sein. Or, s'il est désormais établi que ce cancer – le plus fréquent chez la femme, avec 58 500 nouveaux cas en France en 2020 – peut être associé à des facteurs génétiques, hormonaux ou encore comportementaux, « les études expérimentales et épidémiologiques suggèrent également un rôle de facteurs environnementaux, notamment à effet perturbateur endocrinien », souligne le Pr Fevers.

Une étude sur plus de 10 000 femmes

Ainsi, des chercheurs du Centre Léon Bérard ont décidé de se pencher sur les liens potentiels entre cancer du sein et exposition chronique à de faibles doses de huit polluants de l’air. À commencer par des espèces à effet perturbateur endocrinien, type benzo[a]pyrène (BaP), cadmium, dioxines et polychlorobiphényles (PCB). Ont aussi été considérés des « traceurs » de la pollution atmosphérique, « auxquels les Français sont exposés quotidiennement » : les particules (PM10 et PM2.5), le dioxyde d’azote (NO2) et l’ozone (O3), énumère le Centre Léon Bérard.

Pour déterminer si l’exposition à ces polluants avait oui ou non un effet sur le risque de cancer du sein, les chercheurs ont inclus des femmes issues de la cohorte nationale E3N suivies depuis les années 1990. « À partir de cette cohorte, une étude cas-témoins nichée composée de 5 222 cas de cancer du sein (diagnostiqués entre 1990 et 2011) et 5 222 témoins appariés a été constituée », explique le Centre Léon Bérard. Et pour chaque femme, des « expositions moyennes et cumulées (aux polluants considérés) ont été estimées (…) à l’aide de modèles spécifiques » depuis l'inclusion jusqu’à 2011, en fonction du lieu d'habitation.

5 polluants mis en cause

Résultat : on observe « une augmentation du risque de cancer du sein lors d’une exposition à 5 polluants », résume le Centre Léon Bérard. Avec notamment une association statistiquement significative pour le NO2, le BaP et le PCB153. Pour ces trois polluants, « une augmentation de 10 μg/m3 d’exposition (au NO2) est associée à une augmentation statistiquement significative d’environ 9 % du risque de cancer du sein », détaille le centre. Un chiffre qui atteint 15 % et même 19 % pour une augmentation de 1,42ng/m3 d’exposition au BaP et de 55 pg/m3 au PCB153, respectivement. De plus, pour les PM 10 et les PM 2,5, « une augmentation de10 μg/m3 d’exposition est associée à une augmentation à la limite de la significativité statistique d’environ 8 % (et 13 %, respectivement) », ajoute le Centre.

Certaines femmes pourraient s’avérer particulièrement sensibles à la pollution atmosphérique. « Les analyses supplémentaires ont montré un risque élevé chez les femmes ayant été exposées pendant leur transition ménopausique pour le BaP et le PCB153 », révèle le Centre Léon Bérard.

Respecter les seuils de l'OMS

En fait, les seuls polluants pour lesquels aucune association avec le cancer du sein n’a été mise en évidence sont le cadmium et les dioxines. Concernant l’ozone, « les analyses sont en cours », indique le Centre Léon Bérard.

Au total, « les résultats de l’étude XENAIR indiquent qu’une amélioration de la qualité de l’air serait un levier pour contribuer à la prévention du cancer du sein ». En fait, respecter les seuils recommandés à l’heure actuelle par les grandes institutions internationales permettrait de réduire significativement l’incidence des cancers de sein. Alors que les niveaux d’exposition des femmes de la cohorte E3N à l’ensemble des polluants – à l’exception de l’ozone – ont baissé continuellement depuis les années 1990, « les niveaux d’expositions pour le NO2 et les particules restent largement au-dessus des recommandations sanitaires actuelles ». Or, « en prenant comme référence les seuils de l’Europe pour NO2 (de 40 μg/m3), 1 % des cancers du sein de la population XENAIR auraient pu être évités ». Un chiffre qui grimpe à près de 9 % en considérant les recommandations de l’OMS de 2021 (de 10 μg/m3 pour le NO2), calcule le Centre Léon Bérard.


Source : lequotidiendumedecin.fr